Intervention de Quentin Bataillon

Réunion du mardi 7 mai 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaQuentin Bataillon, président :

Je confirme que, du début à la fin de la commission d'enquête, nous avons travaillé en bonne intelligence et en toute cordialité. J'ai tout fait pour trouver des solutions, tant du point de vue du format des auditions que des personnes auditionnées, pour que nos travaux soient les plus complets et les plus utiles possible.

Le Règlement de l'Assemblée nationale indique que nous adoptons bien le fond du rapport et que cette adoption lui confère une première base légale. Les groupes peuvent, dans un délai de quelques jours, soumettre une contribution en annexe du rapport dans laquelle figurent des éléments plus connotés politiquement ou qui n'auraient pas fait consensus au sein de la commission. Je rappelle que le rapport de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public, présidée par Jean-Jacques Gaultier, ici présent, n'avait pas recueilli les voix de tous les membres de la mission d'information : ceux qui avaient voté contre signifiaient ainsi leur opposition aux propositions du rapport. Ils ont, par la suite, soumis une contribution écrite. Dans le cas présent, il me semble qu'il aurait mieux valu renvoyer les propositions contestées du rapporteur à l'une de ces contributions, car aucun autre élément du rapport ne justifie une opposition à sa publication de la part des quatre groupes cités. Il n'a jamais été question pour nous de cacher quoi que ce soit, et tout son contenu peut être cité publiquement. Mais la démocratie, c'est aussi le compromis.

La proposition d'interdiction de la diffusion de programmes jeunesse les matins avant l'école me paraît abrupte et peu opérationnelle. Même si ce fait ne doit pas peser dans notre décision, je tiens à souligner que la France abrite le secteur de la création de dessins animés le plus attractif au monde et que plusieurs syndicats professionnels, dont la Société civile des auteurs multimédia (Scam), se sont fortement émus de cette proposition après qu'elle a fuité dans la presse. Ceux d'entre nous qui ont vécu le débat sur le moratoire sur la disparition de France 4 savent quel impact la fermeture de cette chaîne aurait eu sur le secteur. Par ailleurs, si l'on supprime les dessins animés à la télévision, qui dit que les parents ne mettront pas leurs enfants devant une tablette ? Faut-il que France Télévisions bloque également l'accès à sa plateforme de rattrapage ou replay des dessins animés à cette heure-là ?

Pour ce qui est de la proposition « Assurer une source de financement dynamique, spécifique, universelle et progressive comme la contribution à l'audiovisuel public et préserver les identités des sociétés le composant en renonçant au projet de rapprochement au sein d'une même holding », il est inutile de préempter les débats sur la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle – dont les deux rapporteurs sont ici présents – qui s'ouvriront la semaine prochaine en commission des affaires culturelles et de l'éducation, ni celui sur le financement de l'audiovisuel public qui aura également lieu dans les prochaines semaines en commission des lois. Cette réforme est défendue par la majorité et Les Républicains ; et en raison de son caractère hors sujet, il nous semble délicat d'inscrire cette proposition dans le rapport.

La proposition « Acter la fin de la TNT payante et prévoir la possibilité pour l'Arcom de ne pas réattribuer les cinq fréquences correspondantes » ne nous paraît pas justifiée. Comment expliquer à Paris Première et aux chaînes payantes du groupe Canal+ que nous avons décidé de supprimer la TNT payante pour des raisons économiques ? J'entends que certains ici aient un problème, pour des raisons qui peut-être pour certaines se justifient, avec deux chaînes du groupe Canal+ qui ont été lourdement sanctionnées – C8 et CNews, pour parler clairement –, mais ce ne sont pas ces chaînes qui seront touchées. Celles que nous supprimerions apportent plus de 200 millions d'euros par an au cinéma français ; sans elles, nous n'aurions pas eu Anatomie d'une chute de Justine Triet et toutes ses récompenses. Ce serait mettre fin à la dynamique du cinéma français pour plusieurs années. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et France Télévisions auraient du mal à suivre.

La proposition concernant l'instauration d'une redevance annuelle pour occupation du domaine public, a suscité plus de débats au sein de la majorité et du groupe LR. Je suis personnellement ouvert à l'idée de rendre payant l'accès au domaine public. Je ne vous cache pas que la réflexion arrive un peu tard, à une époque où les box TNT sont appelées à évoluer vers un service d'intérêt général et où il sera difficile de rémunérer un positionnement sur l'écran connecté ou sur la télécommande. C'est néanmoins une réflexion utile qui aurait été justifiée à la création de la TNT, et il est regrettable qu'elle n'ait pas eu lieu.

La proposition concernant les garanties en matière d'indépendance des rédactions fait écho aux débats que nous avons eus autour d'un texte qui a été rejeté en commission des affaires culturelles. La majorité considère qu'il faut aller vers un système démocratique dans chaque média, sans imposer un modèle. Ce sujet, de même que celui de la concentration des médias, sera abordé dans le futur texte issu des états généraux de l'information. Nous espérons parvenir à un compromis.

Une proposition propose d'intégrer deux députés de l'opposition au collège de l'Arcom. D'une part, neuf membres, c'est déjà trop ; d'autre part, je suis personnellement opposé à la présence des députés dans les conseils d'administration des autorités indépendantes, car on ne peut pas être à la fois juge et partie. Il sera difficile de garantir l'indépendance d'une autorité de régulation comme l'Arcom si des personnalités politiques siègent au sein du collège, notamment pour ce qui est de la publication des temps de parole et du respect des règles du pluralisme. L'Arcom s'astreint déjà à plus de transparence en publiant ces données chaque trimestre. On peut se poser la question des règles, mais la présence de personnalités politiques ne garantira ni l'indépendance de l'Arcom, ni la confiance que lui portent les citoyens.

Le respect du principe de laïcité, qui fait l'objet d'une proposition, ne se posait pas il y a encore quelques années. Plutôt que d'interdire, il me paraît plus juste de rappeler les règles et d'obliger les chaînes de la TNT qui souhaiteraient diffuser ce type de contenu à assurer une égalité entre l'ensemble des religions ; c'est le choix qui a été fait par France Télévisions.

En ce qui concerne le droit d'opposition des rédactions, il en va de même que pour l'organisation interne des médias : c'est un facteur de blocage. Ce serait très difficile à gérer.

La proposition la plus inacceptable pour nous est enfin celle d'appeler les chaînes à repousser les éditorialistes. Ce serait à mon sens une très grave entrave à la liberté de la presse. À la suite de quelques fuites, on peut d'ailleurs déjà voir les réactions des journalistes : elles sont très dures. Va-t-on demander à des journalistes, détenteurs d'une carte de presse, de ne pas aller sur des plateaux de télévision pour faire un éditorial ? Si le format de l'édito n'était plus possible, on mettrait dehors les Bruno Jeudy, les Jean-Michel Aphatie… Cette proposition justifierait à elle seule le rejet du rapport.

Voilà pour mon sentiment personnel sur le fond.

Nous entendons maintenant les orateurs des groupes.

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