En Europe, la Coordination rurale est favorable à un système de régulation des productions s'appuyant sur des observatoires comme il en existe déjà pour le lait et pour la viande. Cette régulation est nécessaire pour éviter les excédents qui ne trouvent des débouchés qu'à l'export, voire qui sont vendus à prix cassé dans des pays où l'on pourrait aider à développer l'agriculture ! Avec le European Milk Board, nous aidons par exemple le Sénégal à développer sa propre production.
Nous sommes opposés aux accords de libre-échange, mais pas au commerce agroalimentaire – sachant qu'il faut distinguer celui qui serait la contrepartie d'un commerce de voitures ou de services. Bien entendu, si des pays ont besoin de cognac ou de fromage, nous exporterons ces produits. Le rôle des entreprises est de savoir pour qui elles travaillent, pour quels marchés. L'exportation, selon nous, ne concerne pas forcément les surplus : c'est un choix d'entreprise. Je ne vais pas demain me lancer dans une production si je n'ai pas les débouchés ; pour les industriels, c'est pareil : ils peuvent choisir de vendre à l'exportation, mais à condition que cela soit rentable et que cela ne soit pas fait sur le dos des producteurs.
Certes, nous sommes exportateurs de céréales – 65 millions de tonnes de blé dur par an –, mais nous importons 60 % des pâtes consommées en France. C'est un problème de filière. Il en va de même pour la pomme de terre : alors que nous sommes des champions de la production, notre balance commerciale pour les plats à base de pommes de terre est négative de 400 à 500 millions d'euros. Ce n'est pas cohérent : nous savons faire un produit, il est exporté, puis il est réimporté après qu'on a délocalisé la plus-value qui aurait pu être réalisée en France. Lorsque nos produits sont exportés sans être transformés, les agriculteurs voient leur échapper tout un potentiel de production de valeur. C'est dommage car cela nous éloigne de la souveraineté alimentaire.