Je suis la première à regretter cette distance mais je pense qu'il faut en passer par là si l'on veut parvenir à un rééquilibrage. Si, pendant longtemps, les agriculteurs n'ont rien dit, si les coopérateurs ne se sont pas impliqués, c'est certainement parce que les coopératives sont très fermées et aux mains de quelques-uns. On aurait besoin de davantage d'ouverture. Je pourrai vous laisser une note que j'avais rédigée à la suite de la publication de rapport de Stéphane Travert ; elle comprend plusieurs préconisations pour remédier aux dysfonctionnements des coopératives agricoles.
Si certaines coopératives fonctionnent très bien et assurent un véritable retour aux agriculteurs, ce n'est pas le cas de toutes. Je prendrai un exemple qui a suscité une manifestation de la Coordination rurale à Lacq, chez Vertex Bioenergy, qui produit du bioéthanol à partir de maïs fourni par Océol. Celle-ci rassemble plusieurs coopératives sur la base d'un contrat d'approvisionnement de 540 000 tonnes. Dès 2022, du maïs en provenance d'Ukraine a été valorisé au même prix que celui prévu dans le contrat, soit 220 euros la tonne, alors qu'il a été acheté 100 euros. Dans le même temps, les stocks sont pleins, dans les fermes comme dans les silos des coopératives, mais la valorisation n'est pas partagée avec les agriculteurs. Ces derniers, qui ont des coûts de production autour de 200 euros la tonne, ont perçu après séchage entre 130 et 150 euros : ils perdent donc de l'argent, tandis que la holding Océol en gagne. C'est cela qui ne va pas. C'est ce fonctionnement que l'on doit revoir s'agissant des coopératives.
Concernant le privé, vous avez cité LSDH, qui met aussi le lait FaireFrance en bouteille. On ne peut qu'approuver ces initiatives. Nous avons de très bonnes relations avec ces groupes, qui sont encore des structures familiales. Mais, au-delà, il y a ces grands faiseurs qui n'améliorent pas la situation – Lactalis et d'autres. On ne voit pas pourquoi eux ne seraient pas à même de payer le juste prix aux agriculteurs. Dans le cadre d'Egalim, ils affirment que, leurs marchés en France ne représentant que 50 %, ils ne vont pas négocier la couverture des coûts de production. Or, si les entreprises vont à l'export, c'est bien parce que c'est à elles de trouver la rentabilité : elles n'ont pas à rentabiliser leurs exportations sur le dos des agriculteurs.
Je ne sais pas si j'ai entièrement répondu à votre question. Concernant les coopératives, les revendications me viennent même d'agriculteurs possédant 1 000 hectares, qui dénoncent le fonctionnement de leur coopérative.