La Coordination rurale ne s'oppose pas qu'au CETA : elle est contre les accords de libre-échange. L'agriculture n'a pas à être une monnaie d'échange ; elle n'a pas à entrer dans un troc contre des services ou des voitures. Nous défendons l'exception agriculturelle pour protéger toutes les agricultures mondiales et ne pas déverser des excédents ailleurs, notamment sous forme de dumping. Nous ne faisons pas aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'ils nous fassent.
En valeur unitaire, on assiste à une importation de la baisse des prix. Les accords de libre-échange sont un non-sens. Lactalis est le principal bénéficiaire des quotas alloués à l'Europe pour exporter des produits laitiers vers le Canada, puisqu'il en exporterait presque la moitié. À l'inverse, le Canada a décidé de continuer à protéger son marché laitier, qui est bien encadré par des quotas, et d'indemniser non seulement les agriculteurs qui seraient touchés, pour les œufs, la volaille ou les produits laitiers, mais aussi les industriels. Lactalis Canada a ainsi bénéficié d'une subvention de 3,2 millions de dollars.
Ces échanges ne nous paraissent pas cohérents non plus d'un point de vue environnemental. On nous reproche nos pratiques alors que nous stockons du carbone à notre échelle, que nous faisons tous les efforts nécessaires et que, de nous-mêmes, nous nous essayons à des expériences. On voudrait taxer davantage notre carburant, alors que les carburants utilisés pour le fret et l'importation de produits venus de l'autre bout de la planète ne subissent pas ces taxes. Cela n'est pas concevable pour l'avenir de nos productions ni leur protection.
Des députés canadiens s'étaient opposés à ces accords il y a quelques années déjà. Nous ne sommes pas naïfs. Si le Canada ne produit pas aujourd'hui la viande correspondant à notre cahier des charges, sans hormones notamment, il peut très bien se mettre à le respecter demain et nous inonder. La balance commerciale de la viande est déficitaire de près de 1 milliard d'euros : les importations ont augmenté de 23 %, de mémoire, entre 2021 et 2022, mais de 50 % en valeur. Nous espérons que, dans le rapport que le Gouvernement remettra au Parlement sur la souveraineté alimentaire, nous pourrons voir qui importe, pour chacune des catégories de production agricole, avec la part de la restauration collective, celle des industriels, des abattoirs et de la grande distribution.
Dans les bilans comptables de nos multinationales et de nos grandes entreprises de l'agroalimentaire, il y a une ligne pour ce qui est produit sur le territoire national et une pour ce qui est produit à l'export. Or, pour l'achat des matières premières, cette distinction entre l'achat en France et l'achat importé n'existe pas.