Je partage l'essentiel de votre propos, si ce n'est qu'il ne faut pas confondre le taux d'autoapprovisionnement, qui est certes important dans la plupart des productions, avec la souveraineté alimentaire. Je prendrai l'exemple du porc et de la crème.
Dans le secteur de la viande porcine, la balance commerciale est positive en volume et en valeur, pour la partie porcs vifs et viande. En revanche, dès lors que l'on intègre la partie porc transformé, les volumes exportés restent positifs, mais on perd de l'argent. Cela n'est pas possible pour établir une véritable souveraineté alimentaire. Qui plus est, nos concitoyens veulent savoir ce qu'ils mangent. Ils sont d'accord pour dire que, dans la mesure du possible et au nom de la protection de l'environnement, ils préfèrent manger français.
Quand on voit que l'on exporte 300 000 tonnes pour perdre jusqu'à 300 000 euros en 2018, on se dit qu'il y a moyen, en théorie, de réorganiser la production. Là où l'on perd de l'argent, on en perd beaucoup. On pourrait en effet relocaliser de l'emploi et de la valeur et réindustrialiser le pays en même temps que l'on éviterait la désagriculturation. En porc, on fait aussi face à la baisse des effectifs, avec de nombreux départs à la retraite. Se pose également un problème de transmission, car les exploitations passées à l'échelle semi-industrielle, avec 600 à 1 000 truies, sont difficilement reprenables.
Les industriels se mettent aux abonnés absents dès qu'il s'agit d'appliquer les règles des lois d'Egalim sur les coûts de production, au prétexte qu'un tiers étant exporté et un autre tiers étant transformé par le biais des grossistes, Egalim ne s'appliquerait donc que sur le dernier tiers.
Le pire, vous le lirez dans une lettre sur la souveraineté alimentaire que je vous ferai suivre. Je l'avais adressée à Emmanuel Macron en 2020, à propos d'un problème sur la crème, qui existe toujours. On importe de la crème en vrac plus cher qu'on ne l'exporte. Je reviens au problème des multinationales agroalimentaires, implantées un peu partout, qui peuvent, grâce à des jeux d'écriture, importer cher et exporter pas cher afin de délocaliser leurs profits. Le même problème se pose pour la volaille. Dans le secteur de la découpe, les prix d'import et d'export étaient équivalents en 2019, autour de 2,50 euros. Aujourd'hui, les prix d'import sont plus élevés que ceux de l'export. Vous avez tout un travail d'enquête à mener pour savoir si ces flux de valeur hors de nos territoires ne nuisent pas à notre souveraineté alimentaire. L'industrie agroalimentaire est un maillon essentiel et il faudrait que notre alimentation voyage le moins possible et corresponde le plus à nos standards.