Comme je vous l'ai dit, la baisse de la consommation se poursuit. Les pratiques agricoles ont été améliorées, ainsi que les outils d'aide à la décision. L'intelligence artificielle aide nos adhérents à mieux travailler, en sorte que chaque nutriment apporté à la plante soit consommé par la plante. Il s'agit aussi de réduire les pertes et les émissions. Les quantités sont donc appelées à diminuer.
En matière de souveraineté industrielle française, je peux dresser une liste d'explications, dont la première s'attache à l'économie. Nous traversons une conjoncture inédite. Les choix économiques des agriculteurs sont plus que jamais d'actualité.
Il est aujourd'hui demandé d'accélérer la décarbonation de nos sites. Il en résultera un coût susceptible de se répercuter sur les productions françaises. La question est de savoir de quelle manière répartir ce surcoût. Le coût de production et d'achat d'engrais décarbonés par les agriculteurs a été multiplié par deux. Le consommateur est-il prêt à acheter plus cher un produit affichant un meilleur profil climatique ?
Le fait de passer d'une forme classique à une forme décarbonée entraîne une réduction de 20 % de l'empreinte carbone de la récolte de blé, ce qui équivaut à 12 % pour une baguette de pain.
Il faut également mentionner l'érosion des surfaces cultivées et la forte progression de l'artificialisation des sols ces dernières décennies.
La France n'affiche pas les mêmes coûts de production que les grands pays exportateurs, à l'instar de la Russie et de l'Ukraine. Une tonne de blé produite en Ukraine se situe à 70 euros. En France, elle coûte trois fois plus cher.
Si nous devions faire sortir de terre une nouvelle usine de production d'ammoniac, même décarboné, de type Seveso seuil haut, les riverains ou les élus accepteraient-ils un tel projet ? Nos sites sont attaqués et remis en cause et il nous faut prendre en considération la demande sociétale.
Il faut enfin mentionner le développement des surfaces faiblement productives prévu dans la PAC.
Nous suivons aujourd'hui plusieurs axes, notamment celui des engrais biosourcés à partir de la récupération des pertes de nutriments des assiettes.
S'agissant du phosphore et du potassium, nous craignons des impasses. Les agriculteurs achètent moins d'engrais, reportant leurs acquisitions. Les chiffres communiqués par l'INRAE montrent que nous nous dirigeons vers une impasse et donc vers une réduction de la production et une baisse de la qualité.
Les amendements minéraux ne s'accompagnent pas de problèmes de dépendance, ce qu'il convient de souligner. La maîtrise de l'acidité des sols est une des solutions pour améliorer la mise à disposition des nutriments à la plante en profitant de la santé des sols. L'augmentation du pH constitue un mauvais signe : il faut conserver un pH proche de 6,8 pour préserver la santé des sols et assurer une meilleure nutrition des plantes.
Vous avez évoqué les aspects réglementaires. Nous faisons face à un problème de surtransposition et de surréglementation des textes européens. L'UNIFA a demandé à ses adhérents de dresser une liste de l'ensemble des textes surtransposés ou surrèglementés. Dans le cadre de ma fonction de directrice de la communication des affaires publiques et de l'engagement sociétal chez Yara France, nous avons réalisé ce travail et identifié les textes. Les aspects réglementaires constituent un frein. Des pays, dont les États-Unis, mettent en place des programmes dans le cadre de l'IRA (Inflation Reduction Act) visant à faciliter l'implantation de nouveaux sites et à apporter une certaine visibilité. Cette visibilité pour nos entreprises est à mes yeux le principal sujet. La visibilité de nos investissements et de nos développements est liée à celle que l'on donne aux productions agricoles.
J'évolue dans le monde agricole depuis vingt-cinq ans et, si je devais compter le nombre de projets de loi d'orientation, j'arriverais à un chiffre conséquent.