Concernant les plants de pommes de terre, nous faisons face à des besoins croissants, avec l'ouverture de deux sites industriels dans le nord de la France l'année dernière, et la production a du mal à suivre. En effet, les agriculteurs prennent des risques supplémentaires sur la production. Par ailleurs, ils font face à une augmentation des prix et à une concurrence avec les autres productions. Un agriculteur doit arbitrer entre la valeur ajoutée de sa production de semences et celle d'autres productions. De même, les coûts de production des oléagineux ont fortement augmenté du fait de la hausse des intrants en 2021, 2022 et 2023, tandis que les prix de vente des semences n'ont pas toujours suivi.
Le prix de toutes les productions agricoles augmente et l'agriculteur doit faire des choix, dont certains ne vont pas dans le sens de la production de semences. Les mêmes tendances existent sur les espèces fourragères. C'est pour cette raison que l'interprofession a mis en place un observatoire des prix de revient afin d'objectiver ces données et de disposer d'un véritable outil de mesure de répartition de la valeur dans la filière. La situation se rééquilibrera et la filière pommes de terre travaille pour trouver des solutions qui lui permettront de faire face aux besoins croissants de plants.
Il est vrai que des plans protéines se sont succédé. Le secteur des semences n'a pas suivi, du fait d'un manque d'opérateurs. Pour le pois ou le soja, les volumes des semences de ferme ont augmenté progressivement, sans mise en place d'une réelle rémunération de l'innovation, contrairement à la contribution à la recherche et à l'innovation variétale déployée pour les céréales à paille. Il s'agit d'une contribution demandée aux agriculteurs qui multiplient eux-mêmes leurs semences. Sans financement, la recherche ne peut se poursuivre.
Le plan protéines en place actuellement comprend un volet semences conséquent, avec des moyens importants d'accompagnement de l'innovation et de la recherche variétale, mais il convient également de réfléchir à des moyens de financer la recherche en déployant des schémas similaires à ceux des céréales à pailles. Nous conduisons ce type de réflexion au sein de l'interprofession.
Les OGM sont massivement mis en culture ailleurs qu'en Europe depuis trente ans. Le cadre réglementaire européen et la directive qui régit les OGM actuellement ne permettent pas de mettre en place ces productions, car il existe des interdictions globales. Seule la lignée MON 810 avait été autorisée et se trouve encore peut-être en Espagne. Réglementairement, nous ne disposons pas des moyens nécessaires à l'autorisation des OGM en Europe et les coûts d'inscription élevés sont rédhibitoires pour les entreprises qui seraient intéressées. Nous devons utiliser cet exemple pour les NGT : il est important de définir les productions que nous souhaitons lancer sur le territoire européen et celles que nous souhaitons interdire, puis de mettre en place des outils de protection intellectuelle qui rendent ces innovations accessibles à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et quel que soit leur format. Il est crucial d'avancer rapidement pour ne pas répéter les erreurs des OGM.
Concernant la vision d'ensemble, il ne faut pas prêter à la filière semences un rôle plus important que la réalité. Nous rencontrons des problèmes ponctuels sur certaines espèces, mais la ligne est claire : le maintien de la diversité des acteurs, des types d'agriculture et du tissu d'entreprises qui existent en France, ainsi que l'accès à la génétique pour le plus grand nombre. Nous organisons la filière pour répondre à ces enjeux. Nous faisons face à des problèmes de production et il est important de sécuriser les réseaux d'agriculteurs multiplicateurs. Au niveau de l'interprofession, les entreprises semencières ont commencé aussi à comprendre que, sans agriculteurs multiplicateurs, il n'y aurait pas de production de semences sur le territoire. La prise de conscience doit être globale.
J'évoque longuement les moyens de production car je suis agriculteur multiplicateur de semences. Si je n'ai plus les moyens de protéger mes cultures ou de les arroser, je serai contraint d'interrompre la production et de trouver des solutions qui revaloriseront mon exploitation. Nous travaillons beaucoup en collaboration avec notre autorité de tutelle, la direction générale de l'alimentation (DGAL). Nous devons trouver des solutions pour les toutes petites espèces afin de préserver les moyens de production pour les agriculteurs et sécuriser l'accès à l'eau. Certains préfets possèdent des outils pour déclencher des restrictions d'irrigation dans les périodes en tension. Il est essentiel d'aller plus loin dans l'exemption des productions de semences dans les zones critiques, car il s'agit d'enjeux stratégiques pour nos filières et pour l'agriculture.
Le premier pays de destination des exportations est la Russie. L'interprofession ne s'occupe pas des exportations, qui sont gérées par les entreprises. Cependant, depuis sa création, SEMAE remplit une mission d'accompagnement des pays de destination. En effet, une exportation de la part d'un opérateur requiert une sécurisation du cadre juridique, notamment en matière de propriété intellectuelle. Nous accompagnons les pays pour accéder aux normes internationales de certification. L'Afrique et l'Asie sont concernées ; je me suis rendu au Kazakhstan et en Ouzbékistan dans le cadre des déplacements du Président de la République afin d'évoquer ces sujets avec les autorités locales.