Je pensais que nous trouverions un terrain d'entente sur la nécessité de protéger, préserver et même – j'ose le mot – sauver l'audiovisuel public d'un affaiblissement, pour ne pas dire d'un nivellement et d'une paupérisation.
Madame Amiot, je sais aussi faire de la politique politicienne, mais, après vous avoir entendu dire que tout n'est qu'idéologie, j'avoue avoir encore des leçons à prendre en la matière. Comment pouvez-vous dire que créer une société unique et sanctuariser son budget affaiblit l'audiovisuel public ?
Vous dénoncez un retour à l'ORTF, que vous n'avez jamais connu. Y avait-il à l'époque vingt-trois chaînes privées diffusées sur la TNT ? De nos jours, le Gouvernement fait-il les programmes ? La télévision et la radio sont-elles d'État ? Quelques personnes ici présentes sont bien placées pour savoir que les chaînes font preuve d'indépendance s'agissant des contenus qu'elles diffusent.
Nous avons changé d'époque. Vous ne pouvez pas nier que le secteur fait face à la concurrence exacerbée de certains médias privés. J'ai d'ailleurs entendu le rapporteur de la commission d'enquête sur la TNT, demandée par votre groupe, s'en plaindre. Il faut choisir entre l'ORTF, isolé, seul au monde, et un pôle audiovisuel public à renforcer pour faire face à une concurrence exacerbée. Pour le renforcer, il faut en rassembler les éléments, donc en augmenter le budget.
La trajectoire financière n'a-t-elle pas été respectée et les moyens alloués augmentés ? Comme l'a rappelé le député Bataillon, si nous ne modifions pas la loi à ce sujet, le budget de l'audiovisuel public demeurera une simple ligne budgétaire, qu'il sera loisible à un chef de bureau, demain, de réduire, voire de supprimer d'un trait de plume. Est-ce cela que vous souhaitez ?
Pour notre part, nous souhaitons préserver l'indépendance de l'audiovisuel public en sanctuarisant son financement et en rassemblant ses forces. Nous souhaitons une présidence forte susceptible de résister, d'être entendue et d'être reconnue. La dispersion actuelle des présidences n'est pas étrangère aux querelles internes en cours, dont nous ne sommes pas responsables.
Madame Amiot, vous n'avez fait aucune démonstration ni fourni aucun élément factuel. Vous parlez de la qualité de l'information. En réalité, ce que vous souhaitez, c'est un audiovisuel public très faible, dont vous ne voulez pas qu'il soit accessible au plus grand nombre.
Les Français vivant dans les territoires les plus éloignés de la culture en ont assez d'être stigmatisés ou victimisés. Ils veulent avoir accès à la même qualité de service que les autres. Plus l'audiovisuel public sera fort, plus ils auront accès à une information et à des programmes de qualité. Cela, vous le leur refusez, par pure idéologie.
Je me battrai contre cette démarche, car vous n'avez pas fourni le moindre élément factuel démontrant son bien-fondé. Je me battrai pour que, en territoire rural et dans les quartiers les plus défavorisés, les habitants aient accès à un audiovisuel public de qualité. Le fait que nous soyons ceux qui s'y emploient vous heurte, mais cela ne changera rien à notre détermination.
Je vous propose de sanctuariser le financement de l'audiovisuel public en modifiant la Lolf dans le cadre de la proposition de loi portant réforme du financement de l'audiovisuel public – je remercie M. Bataillon et M. Gaultier de l'avoir déposée ; vous me dites que je fragilise le financement de l'audiovisuel public. Entre sanctuarisation et fragilisation, il faut choisir. Vos propos sont incohérents.
Vous dites que la fusion des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l'audiovisuel au sein de l'entreprise unique France Médias porte atteinte à leur indépendance. C'est l'Arcom qui désignera le PDG. Où est l'atteinte à leur indépendance ? Il faut veiller à la cohérence de ses positions et respecter les Français, qui sont très attachés à l'audiovisuel public.
Nous nous battrons pour assurer le financement de France Médias, car il est une condition de sa réussite. Nous avançons sur nos deux jambes, la réforme de la gouvernance et la sanctuarisation du financement. L'un ne va pas sans l'autre. Vous cherchez à dissocier les deux, mais vous n'y parviendrez pas.
S'agissant de la diversité de la création, en quoi est-elle menacée par le rassemblement des entités de l'audiovisuel public ? Lorsqu'Antenne 2 et FR3 ont été rassemblées au sein de France Télévisions, la diversité de la création a-t-elle été menacée ? Elle n'a jamais bénéficié d'un tel soutien ! Par idéologie, vous vous perdez en contradictions.
Nous ne reviendrons pas davantage sur ce qui marche. Il y aura toujours une plateforme pour la télévision et une plateforme pour la radio. Il y aura en plus un pôle de proximité et un pôle d'information, qui seront très puissants, contrairement aux pôles actuels.
Parmi les vingt-sept États membres de l'Union européenne, vingt et un ont fusionné leur audiovisuel public et pas un seul n'est revenu en arrière. Si l'Allemagne fait exception, c'est en raison de son organisation fédérale. Quant à la Belgique, elle rassemble des Wallons et des Flamands – en France, jusqu'à preuve du contraire, le séparatisme n'est pas d'actualité. Je me fonde sur des faits, vous vous fondez sur l'idéologie ; c'est la grande différence entre nous.
J'aimerais rappeler les raisons qui ont présidé à la création d'un audiovisuel extérieur de la France, d'autant que j'y ai participé de près. Nous avions pris conscience que, dans certains territoires, beaucoup de nos compatriotes s'informaient pas le biais de chaînes captées par des antennes paraboliques, dont certaines, telles qu'Al Manar, ont été interdites car elles incitaient au séparatisme et à la ségrégation.
Il serait incongru que l'audiovisuel extérieur, héritier d'une longue histoire, ne figure pas dans le périmètre de France Médias. Mieux vaut une information de qualité au sein d'un pôle d'information renforcé disposant de professionnels et de moyens plutôt qu'un budget dédié mais faible.
Madame Piron, vous siégez au conseil d'administration de France Médias Monde. Vous savez très bien – nous l'entendons dire à chaque réunion – que son budget est insuffisant et que tout ne va pas bien. Il faut donc lui fournir du renfort. Comme l'a rappelé le député Bataillon, France Télévisions inclut un pôle international fort, couvrant notamment les questions européennes, le conflit en Ukraine, le Proche-Orient et les élections américaines. N'avons-nous pas intérêt à rehausser le niveau de cette information plutôt que dépendre d'une information venue d'ailleurs incitant à la fracturation, à la ségrégation et au séparatisme, que certains appellent de leurs vœux par pure idéologie ?
Pour ma part, je suis attachée à un audiovisuel public fort et de qualité, faisant preuve d'une authentique transparence et travaillant en toute indépendance – actuellement, tel n'est pas toujours le cas. Lorsque vous avez auditionné Mme Saragosse, vous l'avez interrogée sur la rédaction de France 24. Elle ne vous a pas dit : « Tout va très bien, madame la marquise » ; au contraire.
Libre à chacun de défendre des boutiques ; moi, je défends l'intérêt général. L'audiovisuel public extérieur est essentiel dans la période que nous vivons. Il est né en réaction à un risque élevé de fracturation de notre pays. Je sais que certains l'appellent de leurs vœux ; ce n'est pas ce que je souhaite pour mon pays. Il est cohérent de créer un puissant pôle d'information à l'international.
S'agissant du coût de la fusion, ce n'est pas l'auteure de la réforme de la carte judiciaire qui en niera l'existence. Celle-ci, d'après un rapport de la Cour des comptes, a certes eu un coût mais a été bénéfique. La Cour recommande même d'aller plus loin – avis aux amateurs !
S'agissant de l'étude d'impact, elle a été réalisée dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle, présenté par Franck Riester, et complétée depuis lors par de nombreux rapports parlementaires. Auriez-vous du mépris pour le travail de vos collègues ? Moi pas, bien au contraire : nous examinons une proposition de loi. Elle se fonde sur des rapports parlementaires de qualité, argumentés, chiffrés et détaillés, ainsi que sur le rapport publié par l'IGF en 2022, qui établit que les coopérations, que certains préfèrent à la fusion, produisent leurs effets trop lentement.
S'agissant des négociations sociales, l'État a toujours été aux côtés des organisations syndicales et de leurs représentants lorsqu'il s'est agi de modifier les statuts ou les structures. Si nous optons pour une fusion, c'est parce que la holding créée en 2000 a montré ses limites, ce qui a induit le regroupement, en 2009, de l'audiovisuel extérieur de la France au sein d'une société unique, que vous défendez à présent. Dans quelques années, vous défendrez la société issue de la fusion que nous proposons.
Quant aux objections soulevées par certains de mes prédécesseurs qui, jusqu'à preuve du contraire, soutiennent la majorité, elles sont de bonne guerre. Je m'abstiendrai de les commenter.