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Intervention de Inaki Echaniz

Réunion du mardi 14 mai 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaInaki Echaniz :

Le Président de la République, qui parlait de l'audiovisuel public comme d'une « honte de la République » en 2017, nous invite aujourd'hui à en rassembler les forces : il y a de quoi se méfier. Faire une BBC à la française, cette ambition est censée nous rassurer mais elle ne peut que nous inquiéter. La situation de la BBC n'est pas celle que nous souhaitons pour l'audiovisuel public car elle ne correspond pas à ce que vous décrivez. Alors que 70 % des Britanniques la regardaient chaque semaine en 2017, ils n'étaient plus que 58 % en 2022. Depuis 2010, de restructuration en restructuration, le groupe a perdu 30 % de son budget, supprimé 1 800 emplois et peine à amorcer une véritable transition numérique, érigée en objectif phare de votre proposition de réforme. La fusion de ses chaînes d'information nationale et internationale, que certains appellent de leurs vœux en France, est un désastre, si bien que la BBC travaille aujourd'hui au retour des deux chaînes distinctes. Ce n'est pas l'avenir que nous souhaitons réserver à notre service public.

La fusion, amenée en catimini, par voie d'amendement, sans étude d'impact, risque d'affaiblir la radio, alors qu'il est essentiel de préserver ses missions, son identité et son public. L'audiovisuel public marche sur deux jambes : la télévision et la radio. Les rédactions de l'audiovisuel public sont diverses et doivent le rester. La fusion renvoie à un journalisme multitâches et réintroduira des rigidités incompatibles avec la souplesse qu'exigent la diversité des tâches et des métiers, mais aussi des territoires.

Additionner les forces en faisant fi des spécificités de l'une ou l'autre sera contre-productif. Rassembler des forces diminuées, notamment du côté de la radio, ne rendra pas l'audiovisuel plus fort. Au demeurant, ce dernier va bien : il innove et trouve son public. Si l'on veut qu'il le reste et qu'il aille encore mieux, écoutons les salariés, qui ne veulent pas de ce projet technocratique et bureaucratique, comme ils nous l'ont exposé très clairement au cours de leurs auditions. Le pluralisme et la diversité de l'audiovisuel public sont précieux : ils garantissent une information fiable, vérifiée et intègre. La multiplicité des structures et la pluralité des antennes protègent leur indépendance. Alors que la liberté est un acquis démocratique sans prix, la fusion sera la porte ouverte à une ingérence politique grandissante, voire à une privatisation.

Enfin, si les synergies sont trop lentes, c'est parce qu'elles sont soumises à la contrainte budgétaire. Avant de chercher à rassembler les forces, rassemblons les fonds par un financement clair et pérenne qui ne soit pas une budgétisation déguisée. Le financement de notre audiovisuel public est deux fois moindre que celui de l'audiovisuel public allemand et inférieur de 40 % à celui de l'audiovisuel public belge – ces derniers ne fonctionnent d'ailleurs pas autour d'une société unique. Holding, fusion, synergies sont les prête-noms d'une volonté de réaliser des économies, encore et toujours, sur nos services publics. Fusionner l'audiovisuel public, c'est le vouer à des querelles d'autorité et lui faire subir une immense perte de temps. Surtout, cela n'apportera aucune économie, bien au contraire. Après la suppression précipitée de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), nous vous avions alertés sur des dangers qui se confirment aujourd'hui.

Vous avancez à l'aveugle, par une politique au doigt mouillé, guidés seulement par des motifs économiques, sans réelle concertation et contraints par un calendrier resserré. À défaut d'objectif clairement défini, vous allez balayer d'un revers de la main l'avenir de l'audiovisuel public. Nous ne vous y aiderons pas. Nous n'accepterons rien qui puisse l'affaiblir et ne voterons donc pas la proposition de loi.

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