Cinquante ans après le démantèlement de l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), dans un élan de réarmement jupitérien nostalgique et rétrograde, le président Macron rêve d'un retour à la télé du Général. L'ORTF a été imaginé, désiré et contrôlé par le général de Gaulle puis articulé par son ministre de l'information. Macron souhaite son France Médias, inspiré, désiré et contrôlé par lui-même puis articulé par la future ministre de l'information Rachida Dati – à supposer qu'elle soit encore ministre au 1er janvier 2026, en pleine campagne pour les élections municipales.
Alors que nous nous apprêtions à examiner la création de la coûteuse et inutile holding de l'audiovisuel public, nous allons finalement examiner la fusion pure et simple, encore plus coûteuse, de toutes les entités de l'audiovisuel public. Comme à votre habitude, vous avez menti aux Français : il n'était pas prévu de fusion à l'origine, mais puisque Jupiter dit, la Macronie obéit. Au lieu de déposer un projet de loi, vous déposez un amendement assassin transformant le destin de tout l'audiovisuel public et de 19 000 salariés, sans étude d'impact, concertation loyale ni prise en compte des oppositions.
Ce texte est l'aboutissement de votre processus incessant de dénigrement et de fragilisation de l'audiovisuel public depuis 2017, marqué par une baisse de ses financements depuis 2014, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public et votre refus permanent d'écouter la grande majorité des professionnels du secteur. Vous n'avez aucune volonté de renforcer l'audiovisuel public par la création d'une BBC à la française ; vous souhaitez simplement le rabaisser au rang de pâle copie de l'audiovisuel privé, en mettant ainsi fin à ce que Macron a nommé « la honte de la République ».
Votre projet est purement et simplement idéologique, mais surtout budgétaire. Il fragilisera l'ensemble des acteurs publics, qui enregistrent pourtant d'excellents résultats. L'ajout d'un niveau supplémentaire de gouvernance va évidemment se traduire par la création de nouveaux postes et de nouvelles charges, alourdissant inutilement nos finances publiques. Quant à la fusion, elle devrait coûter a priori plusieurs millions d'euros.
Lors des auditions menées dans le cadre de la commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre, cinq anciens ministres se sont opposés à cette réforme, parmi lesquels Roselyne Bachelot et Rima Abdul-Malak. Vous avez d'ailleurs voté le rapport que mon collègue Aurélien Saintoul présente cet après-midi, collègues : pourquoi ne pas vous en inspirer ? Le Syndicat national des journalistes (SNJ), la CFDT, la CGT, FO, Sud et l'Unsa se sont aussi opposés à toute forme de fusion, contrairement à la présidente de France Télévisions, bien seule à défendre ce projet. La présidente-directrice générale de Radio France, Sibyle Veil, s'y est, elle aussi, toujours opposée, soutenant l'idée d'une simple gouvernance commune. Les PDG de France Médias Monde et de l'INA se sont abstenus de répondre, ce qui témoigne de leur inquiétude sur le sujet. Le sénateur Lafon lui-même, qui est à l'origine de cette proposition de loi, n'est pas favorable à une fusion immédiate. Bref, personne ne la souhaite, personne ne veut se mouiller et, surtout, personne n'y croit.
Avec ce texte, vous souhaitez aussi déréguler encore et toujours plus l'audiovisuel public. Je rappelle que les fréquences hertziennes appartiennent au domaine public et que leur attribution justifie la mise en place d'obligations spécifiques au service des téléspectateurs et des auditeurs. Alors qu'ils souffriraient d'une asymétrie réglementaire, les pauvres milliardaires détenant les entreprises de l'audiovisuel privé ont donc trouvé en Macron et Dati les porte-parole d'un marché libre et non faussé de l'information totalement impartiale et de la culture audiovisuelle. La crise de l'information fait rage ; les médias n'appartiennent plus qu'à une poignée de milliardaires ; les productions et rédactions n'ont plus aucune vision à long terme. Si vous souhaitez réellement aider l'audiovisuel public, retirez ce texte et laissez-nous faire.