L'audiovisuel public représente pour les Français une chance, un pilier essentiel de la démocratie, de la culture et de la cohésion sociale. Il est le garant d'une information fiable, impartiale et indépendante. Offrant une programmation culturelle diversifiée, innovante et de qualité, il permet à chaque citoyen de découvrir et d'apprécier la richesse de notre patrimoine culturel.
Les Français reconnaissent pleinement son importance et lui accordent une place considérable dans leur quotidien. En 2023, France Télévisions est ainsi le premier des groupes audiovisuels français, France Info la première offre numérique d'actualité et Radio France le premier groupe de radio français avec 30,1 % de part d'audience.
Nous devons cependant rester vigilants et conforter la place de l'audiovisuel public dans un paysage médiatique en pleine mutation. Face à l'émergence des plateformes, à l'influence croissante des réseaux sociaux et de l'intelligence artificielle générative, à la montée en puissance des infox, il est impératif de soutenir et de renforcer notre service public.
Depuis plusieurs années déjà, le bilan des mutualisations se révèle mitigé et les coopérations entre les différentes entités de l'audiovisuel public sont insuffisantes. Cela a été pointé successivement par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), mais aussi par la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public présidée par Jean-Jacques Gaultier, dont le rapporteur était Quentin Bataillon.
Au cours de cette mission d'information, dont j'étais moi-même membre, nous avions constaté que les synergies de moyens restaient insuffisantes, notamment sur le plan des marchés groupés et de la formation. Notre collègue Céline Calvez avait relevé qu'aucun organisme de l'audiovisuel public n'était en mesure d'isoler, au sein de ses dépenses totales, le montant de celles qu'il avait réalisées dans le cadre des coopérations prévues par les contrats d'objectifs et de moyens (COM). Sur le plan des coopérations stratégiques, le constat était le même. En particulier, le rapprochement de France 3 et France Bleu a pris beaucoup de retard et pâtit de l'absence d'un véritable projet éditorial partagé.
Ces constats avaient conduit la mission d'information à reprendre à son compte la proposition d'une réforme institutionnelle qui permettrait d'approfondir les coopérations et de renforcer durablement l'audiovisuel public.
Le chapitre Ier de la proposition de loi reprend très largement les dispositions de l'article 59 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, dit Riester. Ce projet, adopté par la commission des affaires culturelles et de l'éducation début mars 2020, avait vu son examen interrompu par l'épidémie de covid-19, avant d'être abandonné.
L'an dernier, le Sénat a décidé d'entamer un nouveau processus législatif sous l'égide de M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. La proposition de loi transmise à l'Assemblée prévoit la création de la société France Médias, une holding stratégique chargée de veiller à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes de ses filiales : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Cette holding conduirait des actions communes, définirait des projets de développement entre les filiales et serait appelée à répartir entre elles les ressources publiques.
L'unité de la gouvernance serait assurée par la présence du président-directeur général de France Médias au conseil d'administration de chacune de ces filiales, lesquelles seraient dirigées par des directeurs généraux nommés sur sa proposition.
La création d'une holding peut sembler un bon compromis mais elle ne paraît pas la meilleure option à ce jour. Nous l'annonçons d'emblée : nous soutenons la volonté du Gouvernement de faire de la société holding la préfiguration d'une entreprise unique de l'audiovisuel public. Celle-ci présenterait notamment le mérite de ne pas créer une nouvelle strate de gouvernance qui s'ajouterait aux autres.
Si l'audiovisuel public fonctionne bien, l'ambition de la présente proposition de loi est de le faire fonctionner encore mieux, en anticipant l'avenir. Il ne s'agit pas de faire des économies de moyens mais de renforcer les synergies entre les entités de l'audiovisuel public, de permettre à celui-ci de déployer une stratégie numérique unifiée et puissante, de regrouper les moyens éditoriaux et d'ouvrir la voie à davantage d'innovation dans la production et le développement de nouveaux formats pour prendre en compte tous les publics et tous les usages. Il s'agit aussi de réaffirmer le rôle clé que joue l'audiovisuel public dans le secteur de la création en lui offrant la possibilité de construire une stratégie de marque pleinement intégrée et puissante et en lui permettant de combiner, en matière d'information, la puissance des moyens et la préservation d'un traitement spécifique en fonction des publics. Il s'agit enfin d'assurer le fonctionnement pleinement intégré des réseaux de proximité France Bleu et France 3, au service d'une couverture plus complète de la vie des territoires.
Nous tenons à souligner notre attachement au respect du dialogue social dans les entreprises publiques. Le choix d'un calendrier resserré n'est pas incompatible avec le temps de la concertation : nul ne peut imaginer que les procédures de gestion et les accords d'entreprise seront harmonisés d'ici au 1er janvier 2026. Nous devrons laisser le temps aux négociations avec les partenaires sociaux de se dérouler au-delà de cette date.
En cohérence avec le regroupement à venir des entités de l'audiovisuel public, le Gouvernement présentera des amendements de rédaction globale des articles 3 et 5, visant notamment à confier au PDG de France Médias la direction opérationnelle de chacune des filiales pendant la durée d'existence de la holding et à maintenir la composition actuelle des conseils d'administration. Le mode de désignation par l'Arcom sera maintenu, avec de nouvelles garanties procédurales tenant compte de l'adoption du règlement européen sur la liberté des médias. L'Arcom devra ainsi, dans une nouvelle délibération, définir une procédure de nomination transparente, ouverte, effective et non discriminatoire.
Pour finir, d'un mot, sur le financement de l'audiovisuel public, nous saluons l'insertion par les sénateurs, à l'article 5, d'une disposition visant à garantir que le financement des sociétés de l'audiovisuel public soit principalement assuré par une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l'inflation. Il s'agit d'une garantie importante, reprise à son compte par le Gouvernement dans son amendement à l'article 5. Le débat sur le financement de l'audiovisuel public aura lieu avant la suspension estivale des travaux. À notre sens, l'option d'un prélèvement sur recettes serait la plus à même de garantir l'indépendance de l'audiovisuel public. Mais chaque chose en son temps, ce n'est pas l'objet de notre débat aujourd'hui.