L'agriculture fait face à d'immenses défis : tendre à la souveraineté alimentaire grâce à des produits sains et accessibles à toutes et tous tout en préservant l'environnement. Ce ne sera pas simple, convenons-en.
La baisse des rendements et les pénuries d'eau chaque été rendent déjà visibles les impacts du changement climatique sur l'agriculture. Disparition des insectes et des oiseaux, pollution grandissante des sols et des nappes phréatiques : nous assistons au « printemps silencieux » qu'avait prédit Rachel Carson.
Le modèle actuel d'agriculture industrielle n'a pas permis d'atteindre la souveraineté alimentaire – au contraire, nous dépendons encore plus qu'avant des importations.
Ce modèle d'une agriculture sans paysans ne permet pas non plus aux agriculteurs de vivre dignement. Le nombre d'exploitations est passé de 1,5 million en 1970 à 389 000 en 2020.
Ce modèle ne nous a pas protégés de la spirale inflationniste, qui a pénalisé les ménages les plus pauvres. En mars 2023, la hausse des prix en un an atteignait 16 % pour les produits alimentaires. Désormais, l'insécurité alimentaire affecte 16 % des Français, alors qu'ils n'étaient que 9 % à sauter des repas en 2016.
Ce modèle favorise la malbouffe – la nourriture trop transformée, trop salée et trop sucrée –, qui contribue à l'épidémie d'obésité ainsi qu'à l'augmentation des maladies cardiovasculaires et des cancers. Rappelons que le nombre de citoyens en situation d'obésité est passé de 8 % en 1997 à 17 % en 2020. C'est l'aveu d'un échec.
Ce modèle, enfin, contribue au réchauffement climatique et à la crise de la biodiversité à cause de l'usage massif et incontrôlé des pesticides. Les derniers chiffres indiquent que leurs ventes se sont accrues de près de 10 % entre 2009 et 2018.
L'enseignement agricole est l'un des leviers les plus efficaces pour transformer en profondeur ce modèle productiviste. En plaçant la mécanisation et l'intensification au cœur de cet enseignement, les générations précédentes ont, en quelques décennies, radicalement changé les pratiques agricoles et permis l'émergence d'exploitations de plus en plus grandes et comptant de moins en moins d'agriculteurs. Nous savons désormais que ce système n'est pas soutenable à long terme. Nous devons placer l'agroécologie au cœur de la formation pour transformer tout aussi radicalement les pratiques agricoles. Nous avons su assurer la révolution productiviste dans les années 1960 ; nous pouvons organiser aujourd'hui la révolution écologique de notre modèle agricole.
Malheureusement, ce projet de loi d'orientation agricole est loin d'être à la hauteur des transformations qu'il faut opérer. Cela n'a rien d'un hasard : le Gouvernement n'a pas la moindre intention de transformer le modèle de production. Les objectifs de production agricole qui nous sont présentés ont été largement dictés par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et les maigres ambitions du texte ont toutes été revues à la baisse par rapport à l'avant-projet de loi présenté en fin d'année dernière. Elles ont subi les arbitrages de Bercy – le ministre assume désormais pleinement le retour de l'austérité. Une transition sans moyens, mais aussi sans objectifs clairs ; la souveraineté agricole n'y est même pas correctement définie.
Concernant la formation, le texte ne donne pas suffisamment de moyens à l'enseignement agricole public pour former plus d'agriculteurs et ne permet pas la nécessaire refonte des programmes permettant d'y faire plus de place aux enseignements agroécologiques. En dix ans, les effectifs de l'enseignement technique agricole en formation initiale ont baissé de 11 %, alors que la France perd chaque année 800 agriculteurs. Pourtant, aucun objectif chiffré lié au besoin de formation n'est prévu par le texte.
Afin de minimiser les coûts, la principale stratégie du Gouvernement pour augmenter les effectifs est d'aller jusqu'à doubler le nombre d'élèves des petites classes, sans moyens supplémentaires. Cela va nécessairement nuire à l'attractivité des formations agricoles, fondée sur l'accompagnement des élèves que permettent ces classes à effectif réduit.
Certes, le texte évoque l'agroécologie, mais dans des termes trop vagues et trop peu contraignants, alors que son enseignement dépend de la volonté de chaque établissement et qu'un cadrage plus solide est nécessaire. Par ailleurs, l'incertitude économique qui pèse sur les établissements, dont nous avons auditionné un certain nombre, empêche la réalisation de projets pédagogiques d'ampleur. Il manque notamment des moyens pour les innovations et expérimentations pédagogiques agricoles.
Nos amendements visent à combler les lacunes de ce texte.