Je remercie messieurs Ivaldi et Crozet de leurs explications.
Je suis le député de la troisième circonscription du Tarn et pour résider à Lavaur, je connais bien l'avantage de se trouver à proximité d'une infrastructure autoroutière. N'étant pas d'origine tarnaise, je m'y suis installé il y a 20 ans. Je travaillais alors au barreau d'Albi et mon épouse à Toulouse et voilà comment deux non-Tarnais ont choisi de s'installer à Lavaur plutôt qu'à Puylaurens, parce que Lavaur était à proximité d'une infrastructure autoroutière et que Puylaurens n'offrait aucune solution pour se rendre rapidement en métropole toulousaine.
Il me semble, monsieur Ivaldi, que vous avez bien fait de rappeler un point de méthode, notamment sur la DUP, récemment confirmée par le Conseil d'État. Dans le cadre de l'étude d'impact, la DUP avait effectivement analysé les différentes solutions alternatives pour finalement conclure à leur manque de pertinence et à la possibilité, dès lors, de déclarer le projet autoroutier d'utilité publique.
Je parle de projet autoroutier, bien que ce soit actuellement un chantier pour lequel, comme indiqué par le concessionnaire, 50 % des crédits ont déjà été engagés.
L'un des éléments de DUP est l'étude socio-économique ; il se trouve qu'elle a également été validée par le Conseil d'État.
Le chiffre de vingt-deux minutes découle en réalité des éléments de comparaison possible. Dans le cadre de la DUP, le gain de parcours a été estimé à trente-trois minutes. La contre-expertise a évoqué vingt-deux minutes et le Conseil d'État, par un arrêt entérinant définitivement la DUP, a indiqué que ces différences n'étaient pas de nature à fausser l'appréciation portée sur l'opportunité économique du projet.
Il faut se dire les choses très clairement. Dans le cadre de cette commission d'enquête, d'aucuns essaient de « rejouer le match » si je puis dire, alors même que la DUP a été rendue définitive par l'arrêt rendu par le Conseil d'État le 5 mars 2021. Les éléments de la contre-expertise, également analysés par le Conseil d'État, n'ont pas changé la donne.
En conséquence, le dossier n'est aucunement fragile comme j'ai pu l'entendre, mais il est bel et bien solide, validé par une DUP et confirmé par le Conseil d'État.
Votre étude de projet évoque très justement le Castres olympique, dont on peut se féliciter de la présence, tout comme d'autres entreprises d'importance pour ce bassin d'emploi. À ce titre, vous donniez l'exemple très juste de l'entreprise Frayssinet auquel j'ajouterais, pour ma part, la présence du huitième régiment de parachutistes d'infanterie de marine. Dans le contexte que nous vivons, il me semble que la présence de ce régiment d'infanterie parachutiste de grande qualité constitue également un élément d'attractivité du territoire. Je citerais enfin l'aéroport de Castres-Mazamet, sur lequel peuvent se poser des avions militaires comme civils.
Vous avez évoqué plusieurs apports possibles d'une infrastructure autoroutière. Monsieur Crozet le rappelait, des villes comme Saint-Sulpice-la-Pointe ou Lavaur, désormais desservies par des sorties d'autoroutes, ont bénéficié à plein de l'installation de nouveaux arrivants sur leur territoire. L'infrastructure autoroutière a effectivement permis une meilleure répartition de l'activité. Aujourd'hui, plusieurs villes entourant cette infrastructure (Gaillac, Saint-Sulpice-la-Pointe, Lavaur, Lisle-sur-Tarn ou Rabastens) se sont développées et peut-être un peu au détriment, pour un temps, de la métropole albigeoise. Il reste que la métropole toulousaine s'agrandit manifestement et que cet essor aboutit, sur une ville comme Saint-Sulpice-la-Pointe, à une augmentation de 250 habitants par an. Les choses se desserrent progressivement et in fine, la ville d'Albi en bénéficiera tout autant.
Au moment de ma prise de fonction comme élu local, il y a sept ans, les entreprises du Sud du Tarn me parlaient moins de développement économique que de survie économique. Aujourd'hui encore, une société comme IMS Networks (cyber sécurité), du fait de ses difficultés à mobiliser des ingénieurs sur Castres, a dû délocaliser une partie de son activité afin de capter cette manne de salariés qualifiés.
Pour illustrer mon propos, je prendrais encore l'exemple du service public de la justice. Il existe deux tribunaux judiciaires sur notre territoire, un premier à Castres et un second Albi, pour un volume d'activité quasiment similaire. Sur l'ensemble des avocats issus de l'école de Toulouse, cinquante ont choisi de s'inscrire au barreau de Castres et plus de cent au barreau d'Albi. Autrement dit, un avocat sortant de l'école des avocats de Toulouse préfère s'installer à Albi plutôt qu'à Castres, ce qui nous informe sur l'attractivité réelle au sein du territoire.
Et ce qui vaut pour le service public de la justice vaut dans tous les autres domaines.
Le centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet, autre exemple, éprouve les plus grandes difficultés à recruter des médecins. Du point de vue du monde soignant (pompiers, médecins, infirmiers), qui transfère régulièrement des patients du centre hospitalier de Castres-Mazamet vers le centre hospitalier universitaire de Purpan, un simple gain de temps de vingt minutes serait purement et simplement de nature à sauver des vies ; et les soignants m'exhortent quotidiennement à encourager l'aboutissement du projet d'autoroute.
Telles sont les conséquences d'un déficit d'attractivité et ma conviction est que ce déficit sera comblé, au moins partiellement, par cette infrastructure routière qui ouvrira une desserte de l'agglomération Castres-Mazamet. J'aimerais donc vous entendre sur cet aspect.
Je souscris entièrement à ce que vous disiez sur les gagnants de l'infrastructure. Des villes comme Castres ou Puylaurens, qui étaient relativement sinistrées d'un point de vue de l'attractivité immobilière, perçoivent déjà les effets de l'arrivée prochaine de l'autoroute. On ne trouve aujourd'hui que très peu de biens à vendre à Puylaurens, en raison de l'effet d'annonce de la création de l'autoroute.
Je vous rejoins également sur l'utilisation des véhicules électriques dont l'augmentation sera nécessairement un stimulus, a fortiori lorsque le concessionnaire prévoit de faire la part belle aux véhicules électriques en diminuant les abonnements de près de 50 %, qu'il propose une autoroute sans barrière de péage, des aires de stationnement équipées de recharges en bornes électriques et des aires de covoiturage. C'est bien une autoroute des plus modernes dont il s'agit et non une autoroute du passé. La bonne prise en compte de l'arrivée des véhicules électriques, de nature à modifier profondément les mobilités, l'illustre bien.
Voilà les éléments de perception et de ressenti que je voulais apporter, en tant que député de la troisième circonscription du Tarn et j'aimerais tout particulièrement vous entendre, messieurs, sur cet aspect difficilement quantifiable de l'attractivité d'un territoire.