C'est un honneur et un devoir pour la présidente du conseil d'administration, Marie-France Bellin, et pour moi-même de présenter à votre Office le rapport d'activité de l'IRSN pour l'année 2021. L'Office a beaucoup contribué à installer et à définir le système de contrôle des usages des rayonnements ionisants en France, tant en sécurité nucléaire qu'en radioprotection. L'Office a été un acteur central de la création de l'IRSN, il y a exactement 20 ans. D'ailleurs, nous sommes à la disposition de l'Office pour traiter, à votre demande, toutes questions ayant trait à l'évaluation des risques liés à l'utilisation des rayonnements ionisants, dès lors qu'elles sont dans le champ de nos missions et qu'elles sont scientifiques et techniques.
L'IRSN est l'expert public des risques radiologiques et nucléaires. Notre mission est d'évaluer les risques liés à l'utilisation des rayonnements ionisants, y compris en situation accidentelle. Très concrètement, nous avons deux missions. La première est l'expertise au profit des autorités, des ministères et des institutions publiques. Il s'agit essentiellement pour l'IRSN, dans le cadre d'un processus de décision, d'éclairer cette décision par l'évaluation du risque lié à l'utilisation des rayonnements ionisants. L'autre mission de l'IRSN est la recherche. Celle-ci alimente notre expertise, les deux étant liées, comme le veulent nos textes fondateurs. L'évaluation de l'IRSN est scientifique et technique. Elle est collective et impartiale. Cette mission d'évaluation de l'IRSN réunit les dimensions de sûreté nucléaire, de sécurité nucléaire et de radioprotection, les domaines civil et défense, la recherche et l'expertise. Cette pluridisciplinarité et cette transversalité contribuent très directement à la qualité de l'appui que l'Institut peut apporter aux pouvoirs publics, en situation normale comme en situation d'accident.
À l'instar des agences sanitaires, notre mission d'évaluation est bien distincte de la mission de décision, d'inspection et de sanction, qui appartient aux autorités, aux ministères. C'est par ce système dual, de double sécurité, entre experts et autorités, entre évaluateurs et gestionnaires du risque, que l'État assure la protection de nos concitoyens vis-à-vis des utilisations des rayonnements ionisants. D'ailleurs, la structure budgétaire de l'IRSN est essentiellement organisée autour du programme 190. Il fait de l'Institut le destinataire d'une subvention pour charges de service public. Cette organisation est cohérente avec le système que je viens de décrire et il me semble important de la préserver.
Avant de présenter le rapport d'activité de l'IRSN, je souhaite aborder trois sujets.
Le premier est évidemment la situation en Ukraine. Dès le début de l'invasion russe, le 25 février, jusqu'au 8 avril, l'IRSN a mobilisé ses équipes dans son centre de crise. L'objectif était de suivre et d'analyser la situation, d'évaluer les risques posés par les installations nucléaires et d'assurer le suivi des mesures de radioactivité dans l'environnement, en Ukraine et en Europe. Nos travaux ont donné lieu à des informations, en français et en anglais, sur notre site internet, de manière régulière. Depuis le moment où nous avons activé notre centre de crise, nous avons reçu plus de 130 sollicitations médiatiques qui ont conduit à 400 retombées de presse, preuve que le sujet intéresse, voire inquiète. Nous travaillons aussi pour que notre homologue ukrainien, qui s'appelle la CSTC, reste impliqué dans le paysage européen international de la sûreté. Dans les mois et les années qui viennent, nous allons travailler, au sein de l'IRSN, avec les acteurs européens et internationaux de la sûreté sur les conséquences d'un état de guerre dans un pays équipé d'installations nucléaires civiles, du point de vue des approches et des doctrines de sûreté.
Le deuxième sujet que je souhaite aborder est le constat par EDF d'un phénomène de corrosion sous contrainte sur certains de ses réacteurs. Fin 2021, EDF a mis en évidence des défauts sur les tuyauteries des circuits d'injection de sécurité du réacteur n° 1 de Civaux, lors de la deuxième visite décennale. L'analyse en laboratoire a montré qu'il s'agissait de corrosion sous contrainte. Sous le contrôle de l'ASN, EDF a engagé des actions selon trois axes. D'abord, la définition et la qualification d'un dispositif de contrôle non destructif, plus performant, pour identifier et caractériser les défauts liés à cette corrosion sous contrainte, sans avoir à découper la tuyauterie comme cela se pratique aujourd'hui. L'IRSN se prononcera sur ce dispositif. EDF a aussi présenté des éléments venant à l'appui du maintien en exploitation des réacteurs. L'IRSN a récemment rendu deux avis en la matière ; le premier porte sur le « risque de rupture brutale » et le deuxième, rendu il y a quelques jours, sur des dispositions transitoires. EDF va définir un programme industriel pour remplacer les tronçons de circuits qui mériteraient de l'être. L'IRSN poursuit ses investigations pour mieux comprendre l'origine de cette corrosion sous contrainte. C'est essentiel pour déterminer notamment le périmètre des contrôles à effectuer.
Le troisième sujet que je souhaite aborder concerne le contrôle de l'IRSN par la Cour des comptes. Ce contrôle, d'une durée de 18 mois, s'est conclu en 2021. Dans le référé qui a été adressé au Gouvernement, la Cour a constaté que l'IRSN remplit ses missions. Elle a aussi noté que l'Institut a poursuivi ses activités dans le contexte de la pandémie. Je vois, dans ces deux constats, la reconnaissance du professionnalisme et de l'engagement des femmes et des hommes de l'IRSN. Dans son référé, la Cour a aussi appelé l'attention sur deux sujets : le « parachèvement du dispositif de crise » et le besoin de restaurer la « soutenabilité budgétaire » de l'IRSN. Je reprends ici les termes mêmes de la Cour des comptes.
Marie-France Bellin, présidente du conseil d'administration, va maintenant aborder quelques sujets dans le champ de la santé. Elle est professeure d'université - praticien hospitalier en radiologie à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre.