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Intervention de Olivier Becht

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h20
Commission des affaires économiques

Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger :

Je suis heureux de m'exprimer devant vous pour faire le point sur ma feuille de route. Je le ferai en trois points : après avoir évoqué les exportations, puis l'attractivité, je vous parlerai de la tournée que je viens d'achever dans l'Indo-Pacifique pour vous donner quelques exemples concrets de ce que l'on peut faire à l'exportation et de ce que l'on peut envisager de faire, dans les prochaines années, en matière d'attractivité.

Vous venez de le dire, notre balance commerciale dévisse en raison de la crise énergétique. Entre 2020 et 2022, le prix de l'énergie à l'importation a été multiplié par cinq, soit une augmentation de 381 %. Entre le 23 février et le 26 août 2022, c'est-à-dire depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le prix TTF (Title Transfer Facility) du gaz a été multiplié par quatre. À cela s'ajoute la dévaluation de l'euro par rapport au dollar. La conjonction des deux phénomènes crée un déséquilibre puissant de la balance commerciale, en particulier de sa part énergétique.

Au cours du premier semestre de 2022, le déficit commercial des biens s'est dégradé de 71 milliards d'euros. Le glissement annuel sera certainement supérieur à 100 milliards, et il n'est pas impossible qu'en fin d'année, notre déficit tutoie la barre des 150 milliards d'euros. De nombreux pays européens connaissent une situation comparable, en particulier l'Allemagne, pourtant habituée aux super excédents commerciaux, dont le solde commercial sur les quatre à cinq premiers mois de l'année se dégrade de 51 milliards d'euros. Plus la dépendance aux importations d'énergie est grande, plus la dégradation de la balance commerciale est importante.

En revanche, à défaut de grandes performances, notre balance commerciale hors énergie se stabilise, grâce à de bons indicateurs dans certains secteurs. Les exportations de produits agricoles et agroalimentaires augmentent de 24 %, celles du secteur textile de 26 %, et celles des produits pharmaceutiques, chimiques et cosmétiques de 22 % par rapport à leur niveau d'avant la crise. Ce sont des secteurs offensifs en matière de politique commerciale. Lorsqu'on intègre la balance des services et la balance des revenus qui, elles, restent positives, la dégradation est moins violente.

La feuille de route en matière de commerce extérieur est relativement simple. Il s'agit, hors questions énergétiques, de maintenir le dynamisme de nos entreprises à l'export et même de l'améliorer. La France dispose d'environ 139 000 entreprises exportatrices : c'est bien mieux qu'il y a quelques années mais cela reste très en deçà du niveau de nos voisins, notamment italiens, avec 220 000 entreprises exportatrices, ou allemands, avec 300 000 entreprises exportatrices. Notre grosse marge de manœuvre repose essentiellement sur les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Autant les grandes entreprises, les grands groupes et certains de leurs sous-traitants sont présents à l'exportation, autant nombre de nos PME ne le sont pas. Nous devons faire un travail de porte à porte avec la Team France Export (TFE), notamment par du mentorat d'entreprises qui ont réussi à l'export vis-à-vis d'entreprises qui n'y sont pas allées, pour montrer qu'il n'est pas besoin d'être un très grand groupe français pour ce faire. C'est ce qui a fait la réussite des modèles italien et allemand.

Le deuxième volet de mon propos a trait à la réindustrialisation. On ne peut pas envisager de restaurer l'équilibre commercial sans réindustrialiser notre pays. Avant 2004, nous étions habitués aux excédents commerciaux, mais à force de vouloir inventer des entreprises industrielles sans usine, nous avons transféré la valeur ajoutée ailleurs et nous sommes mis en situation de dépendance. Non seulement nous ne produisions plus en France, mais nous étions obligés d'importer les biens dont nous avions besoin. De plus, comme les usines avaient disparu, il n'était plus possible d'exporter.

Dans les pas des précédents gouvernements d'Emmanuel Macron, le Gouvernement a mis en place une politique de réindustrialisation et de relocalisation. Lors de la dernière législature, nous avons adopté un certain nombre de mesures visant à renforcer l'attractivité de notre pays. En réformant le droit de travail et en sécurisant les barèmes des licenciements, les ordonnances dites « Pénicaud » ont permis de réduire le nombre d'affaires passant devant les conseils de prud'hommes. Les réformes fiscales ont permis de baisser substantiellement les impôts de production, notamment en ramenant le taux d'impôt sur les sociétés (IS) de 33 % à 25 %, pour les situer dans la moyenne européenne. Ce n'est pas un cadeau particulier aux entreprises, mais l'application de ce qui est fait dans les autres pays européens. À cela s'ajoutent des mesures de simplification administrative ainsi que les 127 sites « clé en main » mis en place par Business France afin d'accueillir facilement des entreprises grâce à des terrains dégagés des fameuses contraintes d'études environnementales et archéologiques – cela ne veut pas dire qu'on ne les fait pas, cela veut dire qu'on les fait en amont de telle sorte que, lorsqu'une entreprise souhaite s'installer, le travail soit déjà fait et les procédures de dépôt de permis de construire simplifiées.

La France est ainsi devenue, depuis trois ans, le premier pays d'accueil des investissements directs à l'étranger (IDE), le premier pays en termes d'attractivité en Europe. Lors du dernier sommet « Choose France » organisé à Versailles en juillet dernier, plus de 200 chefs d'entreprises étrangers étaient présents, 6,4 milliards d'euros de projets ont été annoncés et plus de 4 000 emplois créés. C'est le signe du succès des politiques que nous avons mises en place au cours des dernières années. Cela nous incite à poursuivre en ce sens en offrant une stabilité à la fois juridique, fiscale et sociale à l'environnement dans lequel interviennent les entreprises, et à accomplir l'engagement du Président de la République de supprimer définitivement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous le ferons en deux étapes : la première en 2023, à hauteur de 4,1 milliards d'euros, la seconde en 2024.

Je viens d'achever une tournée dans l'Indo-Pacifique passant par l'Australie, l'Indonésie et Singapour.

En Australie, après l'affaire des sous-marins et dans le prolongement de la rencontre entre le Président de la République et le Premier ministre Anthony Albanese, j'ai voulu écrire une nouvelle page de la relation entre nos deux pays et constater la vitalité de notre lien économique qui nous unit. J'ai été très impressionné par la place de nos entreprises dans les États fédérés. Je pense notamment à Transdev et à Alstom, très présents dans le domaine des mobilités, mais aussi à des entreprises que nous ne connaissons pas assez en France, telles que Neoen, l'un des leaders du marché des énergies renouvelables en Australie, qui propose de fortes capacités de stockage, lesquelles posent justement problème en France.

J'ai aussi pu mesurer l'importance du marché en Indonésie, le quatrième pays le plus peuplé au monde et l'un des principaux pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). J'ai invité nos entreprises à y être davantage présentes, que ce soit dans le secteur des mobilités ou, surtout, dans celui des énergies, puisque de nombreux chantiers vont s'y développer en vue de contribuer à la décarbonation de l'activité économique.

Singapour est le deuxième port mondial, derrière Shanghai. Nos entreprises y sont très présentes, notamment notre grande entreprise nationale en matière de transport maritime et d'exploitation des ports, CMA CGM, et de très beaux chantiers s'y développent. Nous avons beaucoup investi dans la relation avec Singapour pour relancer les volontariats internationaux en entreprise (VIE), dont plus de 300 sont prévus l'année prochaine. J'espère de bonnes nouvelles, dans les prochaines semaines, du côté du fonds Temasek, qui gère plus de 280 milliards d'euros d'actifs au niveau mondial et qui s'intéresse beaucoup à la France.

Enfin, je me suis rendu au G20 sur le commerce, l'investissement et l'industrie à Bali, pour relancer la dynamique du multilatéralisme avec les États qui partagent nos valeurs, ce qui n'est malheureusement pas le cas de tous en matière de droits de l'homme, d'État de droit, de démocratie ou de respect du droit international – je pense notamment à la liberté de navigation. Il était important de relancer des relations nourries dans ces secteurs avec nos amis américains, canadiens, australiens et néo-zélandais.

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