« Faut-il réagir contre la paresse des voies ferrées entre deux passages de train ? », demandait poétiquement au début du siècle dernier Marcel Duchamp. C'est une question d'actualité, tant le droit à la paresse de nos voies ferrées semble scrupuleusement respecté dans nos contrées. Dans la Drôme, des contreforts du Vercors aux Baronnies provençales, sur ces voies ferrées passent encore deux trains de nuit, quand la ligne n'est pas en travaux ou qu'ils ne sont pas supprimés pour de longues périodes, voire menacés par manque de guichetiers. Cet automne, seuls trente trains de nuit circuleront dans le sens Briançon-Paris. Cinquante-quatre trains sont supprimés, dans une circonscription où les alternatives à la voiture individuelle manquent cruellement et où seuls 3 % des déplacements domicile-travail sont effectués en transports en commun. Pourtant, les mobilités, qui garantissent un droit des plus fondamentaux, sont aujourd'hui la première source d'émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. En 2019, le secteur représentait 31 % des émissions françaises, un pourcentage en hausse. Plus de la moitié de ces émissions sont le fait des voitures individuelles. Il nous faut repenser notre modèle de mobilités. Des ingénieurs travaillent d'arrache-pied pour développer l'électrification du parc, le biocarburant, les véhicules à hydrogène, afin de maintenir comme seul horizon de mobilité le modèle du tout voiture. Pourtant, la solution est peut-être sous nos yeux, dans la somnolence de nos voies ferrées, plutôt que dans les milliards versés à l'extension routière. Le rapport TET (trains d'équilibre du territoire) du Gouvernement de mai 2021 montrait que le report modal vers le train de nuit permettait de diminuer de 95 % les émissions de gaz à effet de serre liées aux trajets qui sont le plus souvent effectués en voiture ou en avion. Le train de nuit permet, au-delà de gains écologiques majeurs, d'investir à moindre coût sur les lignes déjà existantes, de créer des dizaines de milliers d'emplois, de gagner du temps et de l'argent. Pourtant, après plusieurs décennies de sous-investissements, la plupart des trains de nuit ont été démantelés entre 2016 et 2017. Monsieur le ministre, vous êtes chargé de garantir le droit à la mobilité de nos concitoyens, dans le cadre des limites planétaires. Engagerez-vous donc 1,5 milliard d'euros pour commander les 600 voitures nécessaires au développement du train de nuit ?