Après la tempête, le brouillard. Au vibrant concert hivernal des promesses faites aux agriculteurs français par le Président de la République et le Premier ministre, a succédé le clair-obscur d'un étonnant projet de loi dont on ne saurait dire s'il a été pensé pour favoriser l'agriculture ou pour accompagner son déclin. Le texte soumis à notre examen se veut une loi d'orientation, s'inscrivant ainsi dans le sillage des lois d'orientation agricole de la V
Bien en deçà des ambitions de ses prédécesseurs, ce texte se borne à apporter quelques aménagements juridiques mineurs en rapport avec le monde agricole, à travers des dispositions divisées en trois types : des dispositions programmatiques à la portée incertaine, et dont certaines ambiguïtés interrogent ; des mesures accessoires de simplification répondant à quelques cas de figure spécifiques dans certaines filières ; des dispositions qui, au lieu de l'alléger, accroissent le carcan juridique imposé aux agriculteurs.
L'article 1er consacre à juste titre, en réponse à une demande du monde agricole, la souveraineté alimentaire en tête du code rural, tout en prenant grand soin d'oublier de la définir. Il énonce que l'agriculture est « d'intérêt général majeur », qualificatif dont nous ignorons les conséquences effectives et qui n'a donc, pour l'heure, qu'une portée symbolique. Enfin, en mêlant de façon confuse les objectifs de souveraineté et les objectifs environnementaux, il ne facilite en rien leur bonne articulation, laquelle constituait pourtant tout l'enjeu du présent projet de loi.
Nous proposons de réécrire cet article afin d'établir une définition claire de la souveraineté alimentaire et d'élargir les objectifs programmatiques, en y intégrant l'exception agriculturelle en matière d'accords commerciaux, le renforcement des normes d'information du consommateur et la fin des surtranspositions.
La suite du projet de loi décline à l'infini votre obsession d'accroître la réglementation, apparemment dans l'objectif d'encadrer la vie agricole dans ses moindres détails, de l'entrée en exploitation jusqu'à la retraite. La profession d'exploitant agricole peine à trouver de nouveaux candidats ? La réponse est toute trouvée : instaurer un diagnostic de performance agricole, imposer aux agriculteurs un nouvel outil de contrôle administratif, sous la menace d'une suspension des aides. Nous refusons évidemment ces dispositions, dont nous proposons la suppression ; au minimum, il conviendrait de leur retirer tout caractère contraignant, pour ne pas restreindre encore davantage la liberté agricole.
Ce projet de loi était pourtant annoncé comme devant répondre à l'immense défi du renouvellement des générations dans les exploitations agricoles. Cela aurait impliqué d'aménager la fiscalité des transmissions en augmentant l'abattement sur l'assiette des droits de mutation à titre gratuit, en diminuant les droits de mutation à titre onéreux et en exonérant les plus-values immobilières comme le font l'Autriche, la Belgique et les Pays-Bas.
Pour soutenir la viabilité économique des exploitations agricoles, il est également nécessaire d'alléger la pression fiscale sur la détention du foncier. Nulle part ailleurs en Europe celle-ci n'est aussi taxée, par le biais de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de l'impôt sur la fortune immobilière.
Sur ces sujets fondamentaux, le projet de loi est malheureusement muet. Les Français et nos agriculteurs l'ont bien compris : lorsqu'il s'agit de défendre notre modèle agricole au bord du désastre, aucun « quoi qu'il en coûte » n'est de rigueur.
Monsieur le ministre, nos agriculteurs méritent mieux qu'une loi vide qui cache mal l'impuissance du Gouvernement. Vous vous êtes révélés politiquement incapables d'insuffler une nouvelle politique commerciale, à même de préserver notre production nationale ; de revenir sur les innombrables surtranspositions protégées par le sacro-saint principe de non-régression ; d'alléger la fiscalité sur l'agriculture, en raison du déficit public, dont vous portez la responsabilité puisqu'il a doublé depuis 2017.
Je terminerai par une métaphore. En cette période olympique, quel sportif accepterait de concourir dans une situation d'inégalité par rapport aux autres compétiteurs ? C'est pourtant ce que vous demandez aux agriculteurs français : ils doivent faire mieux que leurs concurrents internationaux, avec moins d'outils et plus de contraintes.
Nous ne pouvons nous satisfaire de ce texte, même si nous voterons tout ce qui sera susceptible de l'améliorer – hélas, il y a peu de choses. Il ne sera pas la grande loi de renouveau de l'agriculture française voulue par le Rassemblement national.