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Intervention de Clément Beaune

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h20
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports :

Je suis très heureux d'être entendu pour la première fois en tant que ministre par votre commission et je suis à votre disposition pour vous aider à résoudre les difficultés qui se poseraient à vous ou pour éclairer l'action des services de l'État sur les projets de mobilité, qu'ils soient locaux ou d'échelle plus générale.

Je salue votre engagement depuis les élections de juin. À votre initiative et grâce au soutien d'une large partie d'entre vous, des mesures en faveur du pouvoir d'achat ou pour encourager l'utilisation des transports publics ont été prises depuis le début de l'été.

Au-delà des questions liées au PLF, je veux souligner quelques éléments d'orientation du secteur des transports et des mobilités. La particularité de ce dernier, qui fait également sa complexité, est de cumuler des préoccupations très quotidiennes, voire des difficultés, comme le montre la pénurie de conducteurs dans de nombreuses agglomérations, et la nécessité d'un engagement de long terme. C'est cette articulation permanente que nous devons soutenir, notamment dans la perspective de la transition écologique.

Nous voulons proposer des transports plus verts et plus accessibles. L'accessibilité n'est pas seulement un enjeu tarifaire : elle soulève la question de la qualité, de la sécurité et de la régularité de l'offre de transport, ferroviaire en particulier. L'accessibilité de nos transports est l'un des leviers fondamentaux du report modal et de la lutte contre le changement climatique. Le secteur des transports est parfois stigmatisé car il représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre et 30 % de la consommation d'énergie totale de notre pays, comme dans la plupart des économies développées. Cela signifie donc aussi que ce secteur offre de nouveaux leviers pour réussir la transition écologique.

Pour les transports comme pour les autres secteurs, nous souhaitons également davantage de sobriété et moins de carbone. Cela ne sera pas synonyme d'une réduction des mobilités à l'avenir, au contraire. Nous devons continuer à soutenir le développement d'une offre de transports propre, verte et renforcée.

Notre action dans le secteur des mobilités devra reposer sur trois piliers dans les prochaines années. Il conviendra tout d'abord d'investir et d'innover pour décarboner le secteur. L'investissement dans les véhicules propres et les transports publics, en particulier le ferroviaire, permettra d'accroître les mobilités tout en émettant moins de carbone. C'est la meilleure solution pour assurer la transition écologique des transports. Ensuite, nous devrons encourager les changements d'usage, en activant des leviers incitatifs, réglementaires ou encore fiscaux. Si le report modal vers les transports décarbonés est au cœur de notre politique, il faut que tous les modes de transport contribuent à l'effort de décarbonation : ceux qui sont décarbonés par nature doivent se développer, tandis que l'aviation et la voiture doivent contribuer à l'effort de décarbonation. En effet, ce n'est pas la voiture qu'il nous faut cibler, mais l'usage individuel et les modèles polluants de certains véhicules. Tant pour le travail que pour les loisirs, 85 % des transports s'effectuent par la route. Nous ne nous priverons pas de ce mode de transport mais il devra devenir plus vertueux. Enfin, nous veillerons à ce que ces efforts soient justes et partagés et nous tiendrons compte des capacités de chacun à changer de mode de transport. C'est important en cette période d'économies d'énergie et de sobriété indispensable. En effet, un ménage à faibles ressources en zone rurale ne peut facilement passer à un mode de transport non polluant. Ainsi, en tant que pouvoirs publics, le rôle de l'État et des collectivités est de soutenir l'effort de passage aux véhicules électriques en accompagnant ceux qui en ont le plus besoin.

Le PLF a pour priorités la modernisation et la régénération du réseau, en particulier ferroviaire, la réaffirmation de l'importance des transports du quotidien en zone urbaine comme en zone rurale et enfin la décarbonation transversale des modes de transport, qui doit représenter le fil rouge de nos financements et de nos décisions.

La Première ministre a affirmé en hémicycle que le transport ferroviaire était la colonne vertébrale de la mobilité verte. J'ajouterai que la colonne vertébrale de cette colonne vertébrale, c'est le réseau. Le réseau ne se voit pas ; dans les décennies précédentes, il a été négligé, ou du moins insuffisamment soutenu. Ces dernières années, cette tendance a été inversée grâce à un effort considérable porté par l'État. En effet, l'investissement annuel dans le réseau ferroviaire est passé d'un peu plus de 2 milliards d'euros il y a cinq ans à 2,9 milliards d'euros dans le contrat de performance signé entre l'État et SNCF Réseau. Nous devons aller plus loin encore. Ce budget marque une première inflexion en complétant pour la première fois les crédits du contrat de performance par les crédits de l'Afit France pour les soutiens budgétaires au réseau ferroviaire. De plus, la question du réseau est cruciale dans le contexte du changement climatique. L'été caniculaire, et le grand froid qui pourrait survenir, mettent à mal le réseau et rendent indispensable notre effort d'investissement.

Tous les modes de transport doivent contribuer à l'effort de décarbonation, y compris ceux qui ont pu être considérés comme symboliques ou anecdotiques par le passé – je pense aux mobilités dites actives. La Première ministre a présenté le 20 septembre un nouveau plan Vélo, qui amplifie significativement l'effort porté par un premier plan décidé il y a quatre ans, en dégageant 250 millions d'euros pour ce secteur en 2023. Nous présenterons avec Mme Agnès Pannier-Runacher des propositions complémentaires sur le covoiturage dans les prochains jours. Nos outils doivent assumer une forme de différenciation dans les politiques de transport, qu'il s'agisse de la politique tarifaire – ce qui relève de la responsabilité des collectivités – ou de la priorité modale. Il est évident que les transports publics et le ferroviaire seront plus présents en zone dense qu'en zone rurale ou isolée. À ce titre, les dispositifs de soutien aux véhicules électriques doivent cibler prioritairement les ménages modestes et les zones rurales.

La politique des transports, dont la compétence est partagée entre l'État et plusieurs niveaux de collectivités locales, présente une autre particularité : l'effort budgétaire est réparti entre différentes échelles. Il est donc difficile de reconstituer l'effort de l'État en matière de transport. Au total, près de 12 milliards d'euros seront consacrés à la politique des transports par l'État en 2023, ce qui représente une hausse considérable. Une partie provient directement du budget de l'État, plus précisément du programme 203 « Infrastructures et services de transports », au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » . Ce programme représente 4,1 milliards d'euros en 2023, dont plus des trois quarts sont consacrés au ferroviaire. S'y ajoute le budget de l'Afit France, qui sera voté en décembre, à hauteur de 3,8 milliards d'euros. Nous augmenterons par rapport à ce qui était prévu les moyens de l'Afit France de 150 millions d'euros en crédits de paiement, pour renforcer en priorité le réseau ferroviaire. Doivent également être comptées dans cet effort les ressources de la société du Grand Paris par taxes affectées, pour un total de plus de 800 millions d'euros l'année prochaine. S'y ajoute le budget de l'aviation civile, autofinancé par les redevances du secteur aérien, qui atteindra 800 millions d'euros en 2023. Le financement du projet Charles de Gaulle Express par un programme ad hoc s'élève à 400 millions d'euros en 2023. Le programme de verdissement des mobilités, qui englobe la prime à la conversion et le bonus écologique, représente un total de 1,3 milliard d'euros en 2023. Enfin, le soutien au budget aéronautique, rattaché budgétairement au ministère de la transition écologique, s'élève à 500 millions d'euros. Le budget de l'aviation civile est essentiel car il finance des actions de sécurité et de contrôle aériens qui nécessitent un réinvestissement et des recrutements supplémentaires. En effet, nous accusons un certain retard dans la modernisation du contrôle aérien. Les actions en matière de recherche aérienne – la France compte les champions mondiaux de ce domaine – permettent de financer la décarbonation du secteur aérien. Cette dernière n'est pas une fiction ni une opération de communication : elle sera au contraire une réalité d'ici 2050, à condition que nous engagions les moyens industriels et diplomatiques nécessaires. À ce titre, j'ai récemment représenté la France au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale.

Ce total de 12 milliards d'euros représente une croissance de 13 % par rapport à 2022, notamment grâce à l'augmentation des crédits dédiés au verdissement du parc automobile et à ceux, à hauteur de 5 %, du programme 203.

Le budget des transports ne se résume pas au PLF. Les travaux menés par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) sous la présidence de M. David Valence, attendus pour la fin de l'automne, permettront d'actualiser notre programmation et nos priorités en matière d'investissement. Ce rapport sera également l'occasion de préparer la signature des volets « mobilité » des contrats de plan État-région d'ici la fin du premier trimestre 2023, dans lesquels une priorité accrue sera donnée au transport ferroviaire et aux mobilités actives.

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