Ce premier budget de la sécurité sociale de la législature est marqué par le reflux des effets de la crise sanitaire mais aussi par les ambivalences de la conjoncture, avec une bonne tenue de la masse salariale, en hausse de 5 %, nuancée néanmoins par une inflation importante, à hauteur de 4,3 %. Il s'agit aussi du premier PLFSS examiné à la suite de la révision du cadre organique dont notre collègue Thomas Mesnier a été à l'origine, en 2021.
Les chiffres que je donnerai concernent le périmètre le plus large, celui des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Après un déficit record de 39,7 milliards d'euros en 2020, dont je n'ai pas besoin de rappeler les causes, le solde est arrêté à - 24,3 milliards en 2021. L'amélioration s'explique par une progression des recettes une fois et demie plus importante que celle des dépenses. Le Gouvernement et le Parlement ont donc bien fait de soutenir la trésorerie des entreprises et les emplois des Français : sans une telle politique, les comptes se seraient davantage dégradés pendant la crise et leur redressement, ensuite, aurait été moindre.
Pour 2022, le solde se résorberait à - 17,8 milliards, soit une consolidation de 3,6 milliards d'euros par rapport à la prévision. Là aussi, l'explication se trouve du côté des recettes, qui atteindraient 571,7 milliards d'euros cette année, soit une hausse de 5,3 %, les dépenses atteignant 589,6 milliards d'euros, soit une hausse de 3,9 %. La Cour des comptes souligne le fort rebond du produit de la contribution sociale généralisée (CSG), des cotisations et des taxes affectées, dont la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
En 2023, compte tenu des hypothèses de croissance et d'évolution des prix et de la masse salariale – et que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a majoritairement tenues pour « plausibles » et « crédibles » – le déficit s'établirait à 6,8 milliards d'euros, avec une hausse respective des recettes et des dépenses de 4,1 % et de 2,1 %.
Trois branches seraient en déficit : la branche maladie, pour 6,5 milliards d'euros, la branche vieillesse, pour 3,5 milliards d'euros et la branche autonomie, pour 1,1 milliard d'euros. Les autres branches seraient excédentaires : la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), pour 2,2 milliards d'euros, et la branche famille, pour 1,3 milliard d'euros. Le FSV serait aussi en excédent, pour 0,8 milliard d'euros.
Les mesures du PLFSS en recettes confirment l'ambition réformatrice de l'exécutif et de notre majorité. Nous soutenons le pouvoir d'achat et la santé des particuliers ainsi que l'activité de plusieurs catégories de professionnels, tout en luttant contre la fraude.
Ce projet aménage le calendrier de l'avance du crédit d'impôt pour les services à la personne avec l'objectif d'accompagner les besoins de la population, de baisser le reste à charge des ménages et d'encourager le travail déclaré, plus protecteur pour tout le monde.
Le tabagisme est un enjeu de santé publique important. Pour éviter les effets paradoxaux de l'inflation et tenir compte de la consommation de produits alternatifs mais tout aussi pathogènes, nous révisons les paramètres de l'accise et assujettissons davantage le tabac à chauffer.
Nous prolongeons d'un an la fameuse exonération de cotisations à raison de l'embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi dans la production agricole (TO-DE), sur laquelle nous allons revenir lors de la discussion des amendements. Vous connaissez mon intérêt pour ce secteur – lors de la précédente législature, j'ai été rapporteur spécial d'une partie des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.
Enfin, nous prévoyons d'importantes simplifications en matière de recouvrement en poursuivant son unification autour des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour que les employeurs aient un interlocuteur unique et que l'administration soit plus efficiente ; en renforçant les compétences des agents de contrôle et, en même temps, le droit à l'erreur des contrôlés ; enfin, en ouvrant aux médecins libéraux qui participent à la régulation du service d'accès aux soins (SAS) un régime déclaratif neutre quant aux sommes levées mais beaucoup plus simple en termes de calcul.
La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) a apuré 17,8 milliards d'euros en 2021 ; elle devrait avoir apuré 18,6 milliards d'euros fin 2022 et envisage d'apurer 17,7 milliards d'euros en 2023. Cette année, ses émissions se sont négociées à des taux situés entre 0,47 % et 3 %.
Nous sortons de deux années d'exceptionnelle sollicitation de la sécurité sociale, principalement de la branche maladie. Après une croissance de 1,9 % entre 2018 et 2019, les dépenses des ROBSS ont crû brutalement, à hauteur de 5 % entre 2019 et 2020 et de 5,7 % entre 2020 et 2021.
En 2021, les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ont atteint 240,1 milliards d'euros, soit 6,5 % de plus que la prévision fixée par la LFSS pour 2021. Les dépenses de dépistage ont constitué la plus importante des dépenses de crise au cours de cette année 2021.
L'ONDAM pour 2022 est également révisé à la hausse, à hauteur de 9,1 milliards d'euros, par rapport à la LFSS pour 2022, en raison cette année encore de l'ampleur des dépenses de crise. En effet, alors que ce dernier texte prévoyait une dotation pour les dépenses de crise de 4,9 milliards d'euros, les dépenses liées à l'épidémie de covid-19 ont finalement atteint 11,5 milliards.
La croissance inédite des dépenses des ROBSS était justifiée par la crise sanitaire que nous traversions. Notre système de sécurité sociale a été à la hauteur des enjeux et n'a laissé personne de côté, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Le PLFSS pour 2023 marque l'entrée dans une normalisation progressive des dépenses sociales, qui devraient augmenter de 2,1 % entre 2022 et 2023.
Cette trajectoire, naturelle après une période exceptionnelle, ne témoigne en aucun cas d'un recul de nos dépenses sociales. La baisse faciale de l'ONDAM s'explique par la diminution des dépenses de crise : de 11,5 milliards d'euros en 2022, la dotation de crise s'élève à 1 milliard d'euros en 2023.
L'ONDAM minoré des dépenses de crise augmente quant à lui de 3,7 % en 2023, progression qui demeure soutenue. À titre d'illustration, cet ONDAM retraité augmentera plus vite que l'ONDAM d'avant la crise du covid-19 toutes dépenses comprises.
Les mesures nouvelles, l'incidence de l'inflation et les revalorisations salariales sont les trois principaux déterminants de la croissance de l'ONDAM hors crise. Ainsi, 1,4 milliard d'euros est lié à l'effet en année pleine de la hausse du point d'indice des agents publics à hauteur de 3,5 % intervenue à l'été dernier ; 800 millions d'euros sont également programmés pour couvrir les conséquences de l'inflation sur les charges des établissements.
J'appelle votre attention sur quelques mesures nouvelles de ce PLFSS.
Tout d'abord, la prévention, le dépistage et la vaccination constituent l'un des axes les plus forts du texte. Plusieurs articles y sont consacrés, pour un coût total de 980 millions d'euros environ, dont ceux relatifs à la création de trois nouveaux rendez-vous de prévention intégralement pris en charge par l'assurance maladie et à l'ouverture aux pharmaciens et infirmiers d'une compétence de prescription de vaccination. Cette dernière mesure permettra non seulement de faciliter le parcours vaccinal des assurés mais également de limiter le coût de cette politique publique. Deux mesures du projet visent également à prolonger les efforts menés depuis 2018 dans la lutte contre la désertification médicale, qui reste un sujet central pour le bon fonctionnement et l'équité de notre système de santé. On ne peut à cet égard que soutenir la volonté du Gouvernement de revaloriser la médecine générale et de lui redonner la place centrale qu'elle doit occuper.
Le PLFSS pour 2023 contient également des mesures bienvenues pour les branches famille et autonomie, dont le renforcement des personnels des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), à hauteur de 3 000 pour l'année qui vient. Je salue également la mise en place, par l'article 34, d'un temps consacré à l'accompagnement et au lien social dans le cadre des services à domicile. Au delà de la prévention de la perte d'autonomie chez les personnes âgées, qui constitue l'objectif central de la mesure, l'instauration de ce temps privilégié devrait améliorer les conditions d'exercice des professionnels concernés et renforcer la dimension humaine des métiers du soin, en allant plus loin que les gestes techniques.
Je vous invite donc à émettre un avis favorable à l'adoption du PLFSS pour 2023.