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Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2024 à 16h00
Modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

À trois reprises, par référendum, avec un corps électoral restreint, et alors que tout avait été fait pour les inciter à abandonner la France, nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie ont clairement dit « non » à l'indépendance. Ils ont ainsi manifesté solennellement et charnellement leur volonté de rester Français.

Si depuis l'accord de Nouméa de 1998, toutes ces années ont été utiles pour construire un chemin commun, prolonger indéfiniment l'incertitude institutionnelle ne peut à présent qu'aggraver la crise économique et provoquer l'embrasement social que ne manqueront pas d'exploiter les puissances qui veulent chasser la France de cette partie du monde.

Voilà pourquoi il est temps de donner un cadre institutionnel durable aux Calédoniens sans céder au chantage de la violence que le territoire a connu cette nuit. Malgré nos divergences politiques, je remercie M. le rapporteur pour les paroles fortes qu'il a tenues.

Il est surréaliste qu'il n'y ait pas unanimité dans cet hémicycle pour tout simplement faire respecter le caractère universel du suffrage et l'égalité des électeurs devant la loi. À force de tordre les principes républicains, et sous l'effet de la démographie, nous sommes arrivés à ce scandale démocratique, dénoncé par tous : un électeur sur cinq est privé du droit de vote aux élections provinciales – soit plus de 40 000 Calédoniens.

Le projet du Gouvernement, que je voterai, bien entendu, reste d'ailleurs trop restrictif puisqu'il impose, à l'exception des natifs, une domiciliation continue d'au moins dix ans, conformément à la demande des indépendantistes, ce qui priverait encore 20 000 Calédoniens du droit de vote.

Au XXIe siècle, en France, des Français ne pourront donc pas voter sur le territoire de la République. Entendons ce cri du cœur des Calédoniens : le dégel, c'est la démocratie.

Ce projet de loi constitutionnelle, s'il est indispensable, n'est cependant pas suffisant car, pour réconcilier les Calédoniens, qu'ils soient indépendantistes ou loyalistes, nous devons ensemble, de Paris à Nouméa, être capables de relever simultanément trois défis majeurs.

Le premier défi est de trancher rapidement la question du statut institutionnel pour ne pas laisser perdurer l'incertitude politique qui alimente le mirage d'une indépendance, nourrit les rancœurs et dissuade les investissements économiques. Mes chers collègues, ne nous faisons aucune illusion : des puissances étrangères soufflent sur les braises pour déstabiliser la Nouvelle-Calédonie. Nous en avons eu l'exemple cette nuit. La Chine veut étendre son influence au Pacifique Sud. Aujourd'hui de nombreux petits États, comme les Îles Salomon ou le Vanuatu, se mordent les doigts d'être tombés dans le piège de Pékin.

Il est donc urgent que les acteurs calédoniens, trop souvent dispersés – pour ne pas dire « divisés » –, se mettent d'accord sur un statut qui définisse l'autonomie dans le cadre de la souveraineté française. Et s'ils n'en sont pas capables, ce sera au Gouvernement et à la représentation nationale de le faire sans tarder et sans trembler.

La question n'est d'ailleurs pas de donner encore plus de compétences aux autorités locales, car la Nouvelle-Calédonie a plus d'autonomie vis-à-vis de la France que cette dernière vis-à-vis de l'Union européenne, mais de simplifier l'organisation entre communes, provinces et Congrès, d'une incroyable complexité, pour une population de seulement 260 000 habitants. Les Calédoniens sont de plus en plus las des jeux de pouvoir des uns et des autres. Ils aspirent tout simplement à vivre en sécurité – on a vu ce qui s'est passé cette nuit –, et à voir leurs conditions de vie ne pas se détériorer davantage.

Le deuxième défi à relever est, bien évidemment, économique. Une part importante de l'économie locale dépend du secteur du nickel, et la concurrence déloyale de la Chine et de l'Indonésie peut rayer de la carte le moteur de la prospérité calédonienne – on l'a vu avec l'usine du Nord. Là encore, ce n'est pas en se rejetant mutuellement la faute que l'on arrivera à sortir de l'impasse. Il y a urgence à défendre le nickel calédonien et à diversifier l'économie.

Mais encore faudrait-il que la France propose une ambition nationale aux Calédoniens, c'est le troisième défi. Depuis le départ de Jacques Chirac, les ultramarins, sur toutes les mers du globe, sont à tort perçus trop souvent comme une charge, et non comme un atout, par les gouvernements successifs qui ont de plus en plus rétréci leur regard à la seule Union européenne.

Il suffit de regarder une carte pour comprendre ce que pourraient représenter ces territoires du Pacifique pour notre nation si nous étions enfin capables de nous donner les moyens d'une ambition maritime mondiale.

Les Calédoniens ont fait entendre leur voix, ils ont dit oui à la France : donnons-leur les moyens de ce plébiscite de tous les jours.

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