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Intervention de Philippe Dunoyer

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2024 à 16h00
Modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Dunoyer :

Le 5 mai dernier était la date anniversaire de la signature de l'accord de Nouméa, qui a prolongé et constitutionnalisé le processus de décolonisation et d'émancipation de la Nouvelle-Calédonie, au sein de la République Française, engagé par les accords de Matignon de 1988. Comme chacun le sait, l'accord est arrivé à son terme et des discussions ont été engagées l'année dernière pour continuer à construire l'avenir du pays. Ces échanges ont abouti à des projets distincts, selon des formats différents : un projet d'accord a été déposé par le Gouvernement ; des propositions de convergences pour un grand accord ont été négociées entre ma formation politique et des partis indépendantistes ; enfin, des séquences de discussions se sont tenues avec d'autres mouvements non indépendantistes. À défaut d'avoir permis l'émergence d'un consensus, ces échanges ont permis de cerner l'ensemble des sujets qui pourraient constituer le corps d'un futur accord politique global.

Toutefois, depuis plusieurs mois maintenant, plus aucun dialogue n'irrigue véritablement les relations entre les partenaires des accords. Or, laisser le dialogue en jachère, dans un pays comme le nôtre, est dangereux. Chez nous, renoncer au dialogue, c'est renoncer au consensus et à la paix. Je salue donc l'initiative prise par le Président de la République, qui a invité hier l'ensemble des formations politiques calédoniennes à une rencontre à Paris, dans les prochains jours. Une telle initiative redonne de l'espoir en relançant le dialogue sur l'avenir politique du pays.

La primauté du dialogue a en effet inspiré le travail du Gouvernement et du Parlement : elle explique que le projet de loi constitutionnelle prévoie que la constatation d'un accord empêche son entrée en vigueur, voire le rende caduc et elle a motivé l'adoption par le Sénat d'un amendement ménageant la possibilité d'un accord, qui pourrait intervenir jusqu'à dix jours avant les élections provinciales.

Pour inhabituelles qu'elles soient – le mot est faible –, ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de la recherche à tout prix d'un consensus, caractéristique de l'histoire institutionnelle calédonienne, comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis du 7 décembre dernier en écrivant que « la recherche du consensus […] constitue une donnée fondamentale de l'élaboration de l'organisation politique qui prendra la suite de celle issue de l'accord de Nouméa ».

L'initiative du Président de la République nous offre donc un temps supplémentaire pour qu'un nouveau consensus succède à un consensus. Je suis convaincu que la solution pour parvenir à un grand accord et construire un avenir apaisé existe. Elle s'inscrit dans un espace situé entre le résultat des trois consultations d'autodétermination, expression souveraine du peuple calédonien, qui en constitue en quelque sorte le plafond, et le prolongement tant de l'esprit que de la lettre des accords de Matignon et de Nouméa, qui en constituent pour ainsi dire le plancher.

Un seul sujet fait exception : celui du corps électoral provincial, objet du présent projet de loi constitutionnelle. La même exigence démocratique que celle qui conduit au respect des référendums doit présider à l'ouverture du corps électoral. Une telle ouverture constitue un impératif juridique rappelé par la haute juridiction administrative, puisque « du fait de l'écoulement du temps », la situation présente porte gravement atteinte « aux principes d'universalité et d'égalité devant le suffrage ». Il nous fallait donc définir de nouvelles règles.

Le sujet est sensible, puisque le droit de vote est attaché à la citoyenneté calédonienne, consacrée par l'accord de Nouméa pour permettre « au peuple d'origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun ».

Respecter l'exigence démocratique, tout en continuant à faire peuple, tel est l'enjeu de l'ouverture du corps électoral provincial, qui est abordée sous deux angles : celui de l'inscription des natifs et celui de l'inscription des personnes domiciliées depuis dix ans au moins sur le territoire. Si l'inscription des natifs fait largement consensus, celle des électeurs domiciliés depuis dix ans sur le territoire nourrit une très forte opposition des indépendantistes, tant que ce point ne fait pas partie d'un accord global.

C'est justement à un tel accord que le Président de la République invite les formations politiques calédoniennes à travailler. C'est dans cet accord que les nouvelles dispositions sur le corps électoral que nous nous apprêtons à adopter pourront s'insérer, prenant place au sein d'une nouvelle organisation politique globale, dont elles tireront leur légitimité.

Ainsi, chaque Calédonien pourra se sentir respecté dans ses convictions et nous pourrons ouvrir pacifiquement un nouveau chapitre de notre histoire institutionnelle. Le groupe Renaissance votera en faveur de ce projet de loi constitutionnelle.

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