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Intervention de Félicie Gérard

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2024 à 16h00
Modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFélicie Gérard :

La Nouvelle-Calédonie est un territoire unique par la richesse de son histoire et par sa place dans la République française. Les accords de Matignon-Oudinot de 1988 et l'accord de Nouméa de 1998 ont marqué la fin d'un processus négocié et constitutionnalisé de décolonisation et d'émancipation au sein de la République française.

Ils ont permis aux Calédoniens de « tourner la page de la violence et du mépris ». Ils ont également marqué le début d'un « destin commun », du partage des responsabilités institutionnelles, de la reconnaissance de l'identité kanak et de la légitimité des autres communautés. Ce cadre consensuel a permis à la vie politique calédonienne de s'exprimer et de se déployer pleinement et de manière apaisée – ce dont il faut se réjouir. Ce chemin, dessiné par les parties prenantes aux accords de Matignon et de Nouméa, intégrait comme étapes trois consultations référendaires, lors desquelles les Calédoniens ont, par trois fois, décidé de demeurer au sein de la République française.

Une nouvelle voie politique et institutionnelle doit désormais être trouvée. Le groupe Horizons et apparentés est convaincu que le droit ne doit être, en la matière, qu'un instrument dans un accord politique global – un moyen et non une fin.

Néanmoins, il nous faut tenir compte de certaines réalités juridiques qui fondent notre démocratie. De ce point de vue, le consensus trouvé lors de l'accord de Nouméa sur la question du corps électoral en Nouvelle-Calédonie est tout à fait singulier.

Il existe en effet trois listes électorales différentes : la première pour les élections présidentielle, municipales et législatives ; la seconde pour les élections provinciales ; la troisième pour les consultations relatives à l'autodétermination. Les deux derniers scrutins sont restreints aux personnes établies depuis une certaine durée sur le territoire.

S'agissant des élections provinciales, depuis la révision constitutionnelle de 2007, seules les personnes inscrites sur les listes électorales au moment de l'accord de Nouméa de 1998 ont le droit de participer au scrutin. Or les évolutions démographiques sur l'île sont telles que, si les personnes exclues représentaient environ de 7,5 % des électeurs en 1999, leur part est aujourd'hui de 19,3 %, soit presque un cinquième des électeurs.

Le Conseil d'État l'a clairement exprimé : les dispositions relatives au corps électoral spécifique des élections provinciales « dérogent aux principes constitutionnels d'universalité et d'égalité du suffrage », et il convient de les modifier « afin d'en corriger le caractère excessif résultant de l'écoulement du temps ».

Ce caractère excessif est étayé par des situations paradoxales : le corps électoral défini pour voter aux référendums d'autodétermination est ainsi plus large que celui des élections provinciales. Il apparaît surprenant que des natifs de Nouvelle-Calédonie soient admis à voter aux consultations référendaires mais exclus du corps électoral des élections provinciales. Il en va de même pour les petits-enfants de Calédoniens.

Une grande place a été faite au dialogue local sur ce sujet, mais nous constatons que les forces politiques locales ne se sont pas accordées sur les modalités du dégel. Or un scrutin selon les modalités actuelles serait inévitablement attaqué et très probablement annulé par la justice administrative. C'est donc un texte de contrainte et de nécessité que nous étudions aujourd'hui, dans l'attente de mieux, pour donner du temps à la discussion et augmenter les chances de parvenir à un accord, peut-être plus général, sur le fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie.

Nous sommes convaincus que le dégel, tel que prévu par ce projet de loi, doit s'inscrire dans la continuité des accords de Nouméa. C'est la raison pour laquelle la période de résidence retenue, de dix ans, nous semble équilibrée. Par ailleurs, le texte, s'il est adopté, n'entrera en vigueur qu'après un vote au Congrès et ses dispositions ne seront appliquées qu'en l'absence d'un nouvel accord, jusqu'à dix jours avant la tenue du scrutin. C'est important de le rappeler : ce projet de loi ne constitue en rien un obstacle à la poursuite des discussions.

Le Groupe Horizons et apparentés votera en faveur du projet de loi ; il appelle de ses vœux la construction d'un accord respectueux de chacun, garantissant les principes de liberté, d'égalité et de fraternité.

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