Pour accepter cette dérogation au principe constitutionnel d'égalité des suffrages, le constituant s'était lui-même appuyé sur son caractère transitoire. Dominique de Villepin avait expliqué que le gel des listes provinciales n'était valable que pour les deux élections provinciales qui suivraient ; nous en sommes à la troisième, nous devons respecter la volonté du constituant. De quel droit continuerions-nous donc aujourd'hui, alors même que le processus des accords est clos, à exclure une partie très importante de la communauté calédonienne, qu'elle soit kanak ou non kanak, de ses droits ? Le gel du corps électoral, dans les proportions actuelles, n'est conforme ni aux principes essentiels de la démocratie, ni aux valeurs de la République.
Il est primordial que la majorité des Calédoniens puissent choisir leurs responsables locaux, alors même que le territoire connaît des difficultés économiques très fortes. Nous pensons tous évidemment au nickel. Les réserves de ce minerai, principale richesse de ce magnifique territoire, sont certes très importantes, mais ce secteur industriel est en grande difficulté. Les trois usines fonctionnent difficilement, voire plus du tout. Or le modèle économique et social du gouvernement autonome de l'archipel est fondé sur le nickel : plus de la moitié des emplois, directs et indirects, en dépendent. Et comme le gouvernement calédonien, est, je le répète, autonome, les systèmes sociaux, sanitaires et économiques en dépendent également.
Des décisions difficiles devront être prises, en lien avec l'État, qui a toujours aidé la Nouvelle-Calédonie : pour cela, le Congrès de Nouvelle-Calédonie, comme les provinces, doivent trouver une nouvelle légitimité forte grâce à un renouvellement démocratique, donc à de nouvelles élections – je le dis à des élus.
Il me semble avoir lu plusieurs fois dans les gazettes les termes « accélération » et « marche forcée ». Si nous avions voulu accélérer en nous appuyant seulement sur le résultat des trois référendums – sur le fait que la Nouvelle-Calédonie est la France et que les discussions s'arrêtent là –, nous aurions dégelé le corps électoral dès le lendemain du troisième référendum de 2021, organisé avant les élections présidentielles. Ce n'est pas ce que nous avons fait.
Je souligne par ailleurs que le Conseil d'État – qui est souvent cité à hue et à dia par l'opposition – nous a fortement suggéré qu'un décret de convocation d'un corps électoral non modifié serait attaqué, et que les élections seront annulées.