Imaginons que vous viviez, travailliez, payiez des impôts dans un territoire depuis vingt-cinq ans – que vous ayez hérité la nationalité de vos parents, ou que vous soyez né sur ce sol –, et que vous ne puissiez toujours pas élire votre représentant régional, dans une région du territoire hexagonal ou ultramarin – alors que ses assemblées adoptent les lois qui régissent votre quotidien, recouvrent vos impôts et déterminent les choix de votre territoire.
De ce point de vue, l'élargissement du corps électoral n'est pas qu'une volonté politique : c'est une obligation morale pour ceux qui croient en la démocratie. Si les conséquences du gel du corps électoral ne concernaient à l'origine que 8 338 électeurs, soit 7,5 % de l'électorat, ce chiffre est passé à 42 596 en 2023 – ce qui signifie qu'un électeur sur cinq ne peut pas voter. La démocratie, c'est le vote. Le vote, c'est la possibilité pour chaque citoyen de choisir ses représentants. Prendre des décisions à la majorité ne consiste pas à classer les personnes par couleur de peau ou par origine, mais à faire en sorte que tous les citoyens puissent choisir leur avenir commun.
Pour être complet, je préciserai que le corps électoral prévu pour les référendums d'autodétermination est paradoxalement plus large que celui prévu pour les élections provinciales. Autrement dit, les citoyens sont plus nombreux à pouvoir voter pour choisir l'indépendance que pour élire leurs représentants locaux. Allez comprendre l'intérêt de s'opposer à la réforme !
Nous le savons tous désormais, le gel du corps électoral provincial n'avait vocation à s'appliquer que dans le cadre des accords de Matignon et de Nouméa. L'un de mes prédécesseurs, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, l'avait d'ailleurs dit à la tribune du Congrès à Versailles expressis verbis en 2007.