Madame la ministre, vous êtes connue pour votre franc-parler : permettez-moi d'user ici du mien. Nous avons suscité ce débat précisément pour aller au-delà des paroles et voir comment elles se traduisent. Vous avez mentionné le comité interministériel de la laïcité : installé en 2021, il s'est réuni deux fois, en juillet et en décembre de la même année. Jean Castex, qui le présidait, avait alors annoncé qu'il se réunirait deux fois par an. Or il ne s'est réuni ni en 2022, ni en 2023, ni en 2024. Dès lors, comment accorder du crédit à une quelconque volonté politique en la matière ?
S'agissant des dix-sept mesures qui avaient été mises sur la table à l'époque de cette création, il nous a été confirmé, au cours de la table ronde précédente, qu'aucune réunion n'a été organisée pour mobiliser les associations d'élus locaux. Par ailleurs, le rapport des sénatrices Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien indique que l'objectif de formation de 100 % des agents de la fonction publique d'ici à la fin de l'année 2025 est hors de portée. À peine 10 % des agents des fonctions publiques territoriale, hospitalière et d'État ont été formés à ce jour. Quid des référents laïcité dans les fédérations sportives, que nous avons évoqués tout à l'heure ? Ce sujet irrigue d'autres secteurs que les seuls services publics.
Vous avez évoqué la politique en matière pénale, que nous avons également abordée avec Patrick Weil au cours de la table ronde précédente. L'article 31 de la loi de 1905 permet de sanctionner ceux qui font pression sur un individu qui croit ou qui ne croit pas ; vous l'avez toiletté dans la loi de 2021, mais aucune circulaire de politique pénale ne mentionne cet article – pas même celle que vient de prendre le garde des sceaux, le 29 avril dernier. Nous sommes pourtant convaincus que cet article constitue le levier adéquat. Nous avons le sentiment d'un recommencement permanent. Disposerons-nous d'un bilan complet des activités du comité interministériel de la laïcité, concernant les différents volets de son action ?
Enfin, je vous pose une dernière question, qui nous fait faire un léger pas de côté, mais qui est liée à ce débat. Le 29 mars dernier, Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel Paty, s'est adressée au Premier ministre et à la ministre de l'éducation pour demander la reconnaissance de la responsabilité de l'État dans la mort de son frère. L'État doit donner sa réponse avant le 17 mai. À ce stade, Nicole Belloubet a laissé entendre qu'elle ne voulait pas reconnaître la responsabilité de l'État dans l'assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste. Une réponse sera-t-elle bien apportée ? Correspondra-t-elle aux attentes des enseignants ?