Je présente mes excuses aux parlementaires présents ; la visite du président chinois a rendu les communications entre les rives gauche et droite de la Seine complexes. Je suis néanmoins très heureux de rejoindre vos travaux cet après-midi.
Je suis sous-directeur des cultes et de la laïcité à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Je suis accompagné de la cheffe du bureau de la laïcité, Mme Vanessa Seddik. Il s'agit d'une administration de la laïcité créée il y a bientôt trois ans, à la suite des travaux nourris menés, dans cette même salle, par la commission spéciale qui avait été chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République. La nécessité était alors apparue de passer d'une laïcité principielle, qui demeure et qui innerve toute notre tradition constitutionnelle, juridique et nationale, à une laïcité comme politique publique. Pour servir cette dernière, toute une administration a été créée, à vocation interministérielle, au service de toute l'action publique qui touche, de près ou de loin, à la laïcité, dans ses différentes composantes – dont je suis sûr que le professeur Weil vous a brillamment entretenu à l'instant.
Ce choix d'appréhender la laïcité non plus seulement comme un principe, mais comme une politique publique, n'allait pas forcément de soi. Il existait alors, depuis 2013, l'Observatoire de la laïcité – une instance très intéressante, qui permettait de croiser les regards de différents experts, mais qui n'était qu'un observatoire, dont l'objet était surtout de rendre des avis, des interprétations et des lignes directrices, dont les administrations tenaient plus ou moins compte. Le choix de passer de cet Observatoire à un bureau de la laïcité – qui, au sein de l'appareil d'État, constitue le pendant administratif d'une nouvelle instance politique de pilotage : le comité interministériel de la laïcité (CIL), créé au même moment et présidé par le Premier ministre – n'allait pas de soi, et en même temps était évident.
Il n'allait pas de soi, parce que parmi les grands principes cardinaux de la République, la laïcité innerve tellement notre quotidien et notre héritage collectif, que tout le monde la pratique sans le savoir, et sans qu'il paraisse nécessaire d'en faire davantage. Dans le même temps, l'évidence de ce choix s'imposait, tant le paysage religieux de notre pays et la compréhension du fait religieux, de ce qui doit relever strictement de la sphère privée et de la sphère publique, tendaient à s'obscurcir, bien davantage que par le passé. La situation de notre pays se caractérise à la fois par une puissante sécularisation – c'est-à-dire par une désaffiliation à l'égard du fait religieux, qui perd en évidence – et par une diversification et une réaffirmation très forte de l'expression religieuse, au moins chez certaines minorités – mais en réalité, nous l'observons, au ministère de l'intérieur, dans l'ensemble du spectre religieux.
Face à cette situation, dans une société française qui, à l'instar des sociétés modernes, se caractérise par une forme d'archipélisation, où les lieux de rencontre, de connaissance mutuelle, de familiarisation à ce qu'est l'autre – y compris dans sa conviction religieuse – tendent à s'amenuir, il a semblé important de réimpulser une vraie politique publique de la laïcité, pour en revenir aux fondamentaux. C'est le sens des dix-sept mesures arrêtées lors du premier comité interministériel de la laïcité en juillet 2021. Parmi celles-ci figure l'ambition de former l'ensemble des fonctionnaires à la laïcité, dont ils sont censés garantir l'effectivité, dans leurs pratiques quotidiennes.
À l'époque, le plan que nous avions proposé, pour répondre à la volonté du législateur de former les fonctionnaires à la laïcité, avait pu susciter une certaine circonspection. Pourquoi diable…