Les dispositions que vous évoquez ont été massivement utilisées par Aristide Briand et Georges Clemenceau. Je rappelle que ce dernier est devenu président du Conseil en 1906, non pour créer les brigades du Tigre ou mater des grèves, mais pour éviter à la France une guerre civile avec le Vatican – le pape avait ordonné aux ecclésiastiques de ne pas entrer dans les associations cultuelles créées par la loi de 1905. Lorsque certains ont menacé des enfants de les priver de leur première communion s'ils apprenaient l'histoire dans certains livres, ou ont menacé leurs parents de les priver de la confession et des autres sacrements s'ils n'intervenaient pas, Aristide Briand et Georges Clemenceau ont saisi les tribunaux. Les ecclésiastiques, dont le cardinal de Bordeaux, ont été condamnés à des amendes, ce qui a fait la une des journaux de l'époque.
Progressivement, les appels à la violence et les pressions ont diminué et la première guerre mondiale a ramené la paix entre les Français dans l'union sacrée. Après la signature de l'accord entre le gouvernement français et le Vatican faisant entrer les associations diocésaines dans la loi de 1905 – nous venons de fêter le centième anniversaire de cet accord –, la paix a perduré, sauf sur la question scolaire, entre l'Église catholique et la République. Et ces dispositions ont été oubliées. Comme me l'a dit un membre de la commission des lois du Sénat, qui m'a auditionné : c'est une amnésie collective.
Depuis lors, le Conseil d'État, en compétition avec la Cour de cassation sur la protection de la laïcité, a pris le contrôle de la jurisprudence et n'en a pas fait la publicité. Quand des tensions sont apparues avec les fidèles d'une autre religion, personne n'a pensé aux dispositions de l'article 31 de la loi de 1905. Le Gouvernement lui-même les avait oubliées quand il a présenté le projet de loi « séparatisme ».