Il me semble que la France a considérablement avancé sur le chemin des soins palliatifs, dont tous reconnaissent le bien-fondé et la qualité, mais aussi les axes de progrès vis-à-vis de situations délicates, grâce aux équipes soignantes et à la recherche. Pourquoi ne pas largement favoriser, comme le souligne le Conseil d'État, la sagesse pratique, plutôt que de rendre légal par le droit l'acte létal ?
Alors que nous attendions une compétence en soins palliatifs dans chaque établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), on propose une aide à mourir – en réalité un suicide assisté ou une euthanasie. De plus, la clause de conscience est doublée d'une obligation d'orienter un médecin ou un infirmier qui pratiquera le geste létal. Cet acte brise l'accompagnement et stoppe le soin, alors que la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès est habitée par une intention : apaiser la souffrance en laissant venir la mort qui se produit en raison de la pathologie.
Il est dit que les critères d'accès à l'euthanasie ou au suicide assisté sont stricts. Mais les possibilités sont ouvertes en employant les deux formules qui me semblent devoir être réfléchies : la souffrance insupportable et l'altération grave du discernement. Par ailleurs, le projet ne permet pas de garantir qu'il n'y aura aucune incitation à l'aide à mourir, au suicide assisté et à l'euthanasie.
Faudra-t-il écarter le serment d'Hippocrate pour tous les étudiants qui s'apprêtent à exercer la médecine ? Si tel était le cas, cela serait le signe d'un basculement anthropologique. Si ce n'est pas le cas, une hypocrisie légale est instaurée. Enfin, mettre en avant l'autonomie du patient, sans parler de la relation entre le soignant et le soigné, cette fraternité, conduit la personne malade à l'isolement dans la décision qu'elle prend vis-à-vis d'elle-même.