Le projet de loi sur la fin de vie, orienté vers le suicide assisté et l'euthanasie, nous trouble. Notre devoir de citoyen nous impose d'exprimer le péril que ferait courir à la cohésion nationale une telle évolution.
L'islam s'intègre dans la croyance en la sacralité de la vie, rejoignant ainsi le corpus théologique des autres religions. L'un des hadiths du Prophète souligne que les actes s'évaluent par l'intention, et je note que cette notion d'intention est reprise dans les commentaires du Conseil d'État. Elle oblige à clarifier la terminologie de « l'aide active à mourir ». Pour ma part, je préfère un terme plus clair : « donner la mort ». Selon moi, suicide assisté et euthanasie se rejoignent sur le plan moral dans la décision de faire mourir la personne. Décider de faire mourir, même exceptionnellement pour quelques-uns, représenterait un risque de réelle profanation de l'acte de soins au sein de la société.
Sur le plan religieux, l'interdit fondateur du meurtre est clairement énoncé dans le Coran. L'humanisme de l'islam se lit dans un verset qui indique : « Et ne vous tuez pas vous-mêmes. Dieu, en vérité, est miséricordieux envers vous. » La notion de miséricorde est essentielle ; il faut apaiser les souffrances du mieux possible. Il faut reconnaître l'importance d'une culture palliative enseignée dans tous les champs de la médecine. Or, en l'espèce, les dispositions législatives, voire réglementaires, sont insuffisantes pour combler notre retard, comme le souligne le Conseil d'État.
En tant que médecin, je juge ce projet de loi différent d'une loi de liberté qui donnerait des nouveaux droits à ceux qui le souhaiteraient, sans dommage pour les autres. Nous sommes tous liés. Je constate à mon tour qu'une très grande majorité des Français ne connaissent pas la loi actuelle et ignorent les directives anticipées, qui peuvent inclure le droit de demander une sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. En elle-même, cette sédation est d'essence transgressive pour certains. Mais elle diffère du mal absolu qu'est l'euthanasie.
L'argument supposé massue du Comité consultatif national d'éthique sur les situations où le pronostic vital est engagé à moyen terme est un concept peu pertinent du point de vue médical, arbitraire dans sa définition et obscur dans la réalité des pratiques. Il est sujet à de perpétuelles modifications. Les propositions, censées répondre à de potentielles situations singulières, mettront en réalité à mal l'ensemble de l'édifice de soins pour tous les patients.
L'impact sur les autres patients d'une culture du laisser-faire serait absolument majeur. Que sera la loi si elle est votée pour autoriser l'aide active à mourir ? Je le redis : sur le plan médical mais aussi religieux, l'intention prime. Pour un médecin, le clivage est total entre, d'un côté, vouloir soulager – la sédation – et, de l'autre côté, vouloir tuer pour soulager – l'euthanasie et le suicide assisté. L'opposition entre traitements curatif et palliatif est illusoire parce qu'il existe un continuum entre les deux. Avec la sédation, le médecin a l'intention de soulager, même s'il prévoit que la vie du patient peut être écourtée de quelques jours. L'euthanasie ou le suicide assisté, dont l'intention directe est de tuer, constitue une rupture absolue de l'éthique médicale. Il existe une universalité de la médecine : le médecin est là pour donner de l'espérance, pour soigner. J'exprime une crainte sur la confusion de cette nouvelle action qui serait demandée aux médecins. En tant qu'enseignant, je n'imagine pas délivrer un cours aux étudiants pour leur enseigner comment administrer un poison.
Cette loi est inopportune à mes yeux. Elle transmet un message troublant pour les plus pauvres, les plus fragiles ou pour des vies qui ne mériteraient plus d'être vécues, avec un impact social délétère pour nous tous.