Pas moins de 30 % des émissions de gaz à effet de serre françaises sont liées aux transports. La moitié de ces émissions, soit 15 % des émissions nationales, est due aux 33 millions de véhicules particuliers en circulation. Verdir ce parc automobile est donc essentiel pour permettre à la France de respecter sa trajectoire de baisse de 55 % des émissions d'ici à 2030 et d'atteindre la neutralité carbone en 2050. C'est de ce constat que sont nés le bonus écologique, la prime à la conversion, le leasing social et les aides à l'installation de bornes de recharge, qui ont permis de créer 130 000 points de charge ouverts au public et de porter les ventes de véhicules électriques en France à plus de 1,1 million depuis 2010.
Il est temps d'aller plus loin en planifiant la montée en puissance, dans les prochaines années, des achats de véhicules électriques par les plus grandes entreprises. En effet, 60 % des véhicules neufs acquis en France le sont par des entreprises ; parmi ces 60 %, une très grande part est destinée aux 3 500 entreprises disposant d'une flotte de plus de 100 véhicules. Ces véhicules restent trois ans en moyenne en la possession des entreprises, après quoi ils alimentent le marché de l'occasion pour la classe moyenne puis, dans une troisième vie, pour les classes populaires.
Verdir les flottes de ces grandes entreprises permettra donc efficacement d'accélérer la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, de développer le marché de l'occasion et de soutenir la transition de l'industrie européenne et française. C'est le sens de cette proposition de loi, qui se compose de six articles.
L'article 1er fixe une trajectoire plus ambitieuse de verdissement des flottes des entreprises en se concentrant sur les véhicules à très faibles émissions, c'est-à-dire sur ceux qui émettent moins de 20 grammes de CO
La trajectoire de renouvellement que je vous propose débute à 20 % des nouvelles acquisitions en 2025 et augmente de 10 points par an pour atteindre 50 % en 2028 et 90 % en 2032. Elle s'aligne sur celle que propose le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) créé par le Gouvernement en 2022. En outre, elle est cohérente avec le contrat de la filière automobile, en cours de signature, qui prévoit la construction de 2 millions de véhicules électriques en France d'ici à 2030.
À ceux qui estiment cette trajectoire trop rapide, j'aimerais dire de ne pas regarder dans le rétroviseur, mais droit devant. Un parlementaire se doit d'anticiper l'avenir, pas de rester bloqué sur le passé.
Regarder l'avenir, c'est garder à l'esprit que les constructeurs automobiles français nous demandent de ne pas remettre en cause l'interdiction de la vente de véhicules thermiques à partir de 2035. Ils nous demandent même de réunir les conditions nécessaires pour que cette transition soit un succès pour l'industrie européenne. Cette proposition de loi participe de cet effort. Je rappelle d'ailleurs que les principaux constructeurs européens, comme Renault, Stellantis ou encore Volkswagen, ont annoncé qu'à partir de 2030, ils ne proposeraient plus à la vente en Europe que des véhicules électriques.
Outre les entreprises qui possèdent une flotte, l'article 1er concerne les loueurs, qui se divisent en deux catégories : les loueurs de longue durée et les loueurs de courte durée.
Dans le secteur de la location de longue durée, 138 sociétés de location disposant d'une flotte de plus de 100 véhicules ont immatriculé 1 million de véhicules neufs en 2023, soit 54 % du total des véhicules légers neufs immatriculés en France. Le rôle des loueurs de longue durée est donc essentiel, notamment car ils sont propriétaires de nombreux véhicules utilisés ensuite par d'autres entreprises. Il s'agit d'éviter que les entreprises achètent uniquement le minimum de véhicules à très faibles émissions exigé par la loi et complètent leur flotte en louant des véhicules thermiques à des loueurs sur qui porterait la sanction ; à cette fin, je propose de limiter à 10 % maximum l'écart entre la part de véhicules achetée en propre par l'entreprise et la part qu'elle loue.
C'est le cas de la location de courte durée qui suscite les débats les plus vifs. Nous avons adopté en commission une trajectoire spécifique aux loueurs de courte durée pour tenir compte du rythme de renouvellement de leur flotte : ils la renouvellent en 9 mois en moyenne, contre 36 mois pour les autres acteurs.
Pour les loueurs de courte durée, la trajectoire commencera donc à 5 % en 2025, puis 10 % en 2026 et 15 % en 2027, avec une clause de revoyure la même année pour définir la suite de la trajectoire.
Le bonus écologique pour les flottes d'entreprises ayant été supprimé en février 2024, j'ai d'autre part souhaité inclure l'écoscore dans la proposition de loi. Nous avons ainsi adopté une bonification de 20 % pour les véhicules bénéficiant de l'écoscore. Concrètement, un véhicule présentant un écoscore comptera pour 1,2 au lieu de 1. Cette disposition favorise les constructeurs français et européens. Selon des associations environnementales, si la part des véhicules fabriqués en France reste stable, la demande additionnelle engendrée par la réforme entraînerait la fabrication de 1,7 million de véhicules supplémentaires dans les usines de notre pays et constituerait un fort soutien à la filière automobile nationale.
L'article 2 traite des obligations de transparence. L'obligation de transmettre les informations est restée jusqu'à présent largement ignorée par les entreprises, alors qu'elle est à la portée de tous et est essentielle pour déterminer si les entreprises respectent la trajectoire. L'article prévoit donc l'obligation de transmettre les informations. Pour les entreprises qui y sont soumises, le taux de verdissement des flottes devra également être communiqué dans la déclaration de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
Le défaut de transmission de ces informations sera soumis à sanction. En commission, nous avons rendu cette sanction proportionnelle au poids de l'entreprise : elle est fixée à 0,1 % du chiffre d'affaires français.
L'article 2 bis a été ajouté pour intégrer une obligation de formation ou de sensibilisation des gestionnaires de parcs de véhicules afin de les former aux spécificités des véhicules électriques et de la recharge.
L'article 3 instaure une sanction pour non-respect de la trajectoire de verdissement prévue à l'article 1er . Elle est indispensable pour s'assurer du respect de la réglementation. Afin d'éviter les excès d'une logique punitive, j'ai rendu ces sanctions progressives. Elles seront de 2 000 euros maximum par véhicule manquant en 2025, 4 000 euros en 2026, puis 5 000 euros à partir de 2027, le tout dans la limite de 1 % du chiffre d'affaires français.
Enfin, l'article 4 prévoit la possibilité d'exclure des marchés publics les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations de transmission des informations ou la trajectoire à laquelle elles sont soumises. J'insiste sur le caractère facultatif de cette mesure : il reviendra à l'acheteur de décider s'il souhaite exclure ces entreprises. Cependant, il ne me paraît pas justifiable qu'une entreprise qui ne respecte pas la loi puisse accéder à certains marchés publics.
J'en viens aux effets concrets de la proposition de loi.
Outre les études de l'ONG Transport et environnement et de l'Institut mobilités en transition, le SGPE a accompli un important travail sur le sujet. Les études françaises et européennes établissent les effets positifs du véhicule électrique pour les émissions. Le soutien de la filière automobile est confirmé dans le contrat de filière en cours de signature.
Les effets attendus parlent d'eux-mêmes. Sur le plan écologique, les dispositions prévues par la proposition de loi permettraient à elles seules de réduire les émissions du secteur automobile de 57 millions de tonnes de CO
Sur le plan économique, cette réforme valorise les constructeurs français : elle entraînerait la production de 550 000 véhicules électriques supplémentaires dans les usines françaises. Du côté des utilisateurs, la motorisation électrique est désormais la plus intéressante financièrement si l'on prend en compte le coût complet, le surcoût à l'achat ou à la location étant compensé par la recharge, bien plus abordable que le carburant.
Enfin, le texte vise à alimenter le marché de l'occasion en véhicules électriques. Plus de 70 % des Français achètent leurs véhicules d'occasion, mais en 2023, seule 17 % de l'offre était constituée de véhicules électriques. Le texte permettrait d'injecter jusqu'à 2 millions de véhicules électriques supplémentaires d'ici à 2035 sur le marché de l'occasion, soit vingt fois plus qu'actuellement. Les ménages pourront ainsi activement prendre part à la décarbonation de leur mobilité, à un prix abordable.
Mes chers collègues, de nombreux députés, issus des groupes de la majorité comme de l'opposition, ont pris des engagements importants pour que la France assume sa part dans la limitation de la hausse des températures en dessous de 2 degrés.
Beaucoup de mesures ont ainsi été prises sous les dernières législatures pour passer aux actes et réduire effectivement les émissions de notre pays. Cette baisse s'accélère et nous devons poursuivre. La proposition de loi y participe en concentrant l'effort sur quelques entreprises parmi les plus grandes. C'est par leur mobilisation que nous pourrons augmenter l'offre de véhicules électriques d'occasion sur le marché français, ce qui permettra à la classe moyenne puis aux classes populaires de bénéficier de ce véhicule moins cher à l'usage, silencieux et qui n'émet pas de CO
Face à l'enjeu climatique, je vous appelle à être à la hauteur : agissons ensemble en votant ce texte qui, par des mesures concrètes et efficaces, nous permet de continuer notre chemin vers une transition juste alliant l'écologie, une dimension sociale, car elle demande un effort aux plus grandes entreprises au bénéfice des plus précaires, et le maintien, voire la croissance de l'industrie automobile en France et en Europe.