Il n'en a rien été : le taux de croissance potentielle est resté aux alentours de 1,1 ou 1,2 %. Le passé plaide donc en votre défaveur.
Pour la période 2023-2027, vous nous expliquez de nouveau que la croissance va s'accélérer, atteignant 1,35 % par an. Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 16 avril 2024, nous explique que « le maintien sur une longue période » – huit ans depuis 2020 – « d'un écart de production négatif » est « une configuration qui ne s'observe jamais dans les évaluations ex post de l'écart de production ». Cela conforte le diagnostic de ce même Haut Conseil, selon lequel la trajectoire du PIB potentiel retenue dans les prévisions du Gouvernement est surévaluée.
En septembre 2023, vous aviez retenu pour 2024 une croissance du PIB de 1,4 %, contre tous les prévisionnistes, qui la situaient en moyenne autour de 1 %. Vous venez de baisser votre estimation à 1 % alors que les dernières prévisions évoquent un taux de 0,7 % environ – je pense à celles du FMI, de Consensus Forecasts, de la Banque de France, de l'OFCE ou à celles, encore inférieures, de Rexecode. Vous avez toujours un train de retard. Depuis plusieurs exercices, notre groupe a toujours suggéré au Gouvernement de retenir un taux de croissance raisonnable, de l'ordre de 1,1 %.
La deuxième raison est que vos hypothèses de modification du comportement des ménages et des entreprises sont elles aussi très fragiles. La baisse prévue par le Gouvernement du taux d'épargne des ménages permettant un rebond de la consommation est discutable. Certes, il est très élevé – autour de 17 % – mais il n'est pas réaliste d'anticiper une baisse très rapide. En effet, ce taux est partiellement lié à une baisse très rapide des taux d'intérêt qui bloque le redémarrage de l'investissement, notamment dans l'immobilier. Or une légère baisse des taux d'intérêt n'est attendue qu'au second semestre 2024. Il en va de même pour l'investissement dans les entreprises : la prévision gouvernementale d'une progression de 0,5 % ne correspond pas aux projections formulées par les responsables des entreprises.
Troisièmement, l'amélioration continue de la balance commerciale qui, d'après les prévisions gouvernementales, contribuerait à la croissance du PIB, en 2024 à hauteur de 0,4 point, puis en 2025 à hauteur de 0,2 point et enfin en 2026 et en 2027 à hauteur de 0,1 point, suppose un effort de compétitivité considérable que l'on n'a pas constaté sur le long terme. L'excellente année 2023, avec une balance commerciale qui a contribué à hauteur de 0,5 point au taux de croissance du PIB, s'explique davantage par une légère contraction des importations – en baisse de 0,1% – que par une légère croissance des exportations – en hausse de 1,5 %.
Quatrièmement, l'hypothèse selon laquelle les dépenses des collectivités territoriales baisseraient en volume de 0,5 % par an, permettant de passer d'un besoin de financement de 0,4 point du PIB – soit 10 milliards – en 2023 et en 2024 à une capacité de financement de 0,1 point du PIB dès 2026 et de 0,4 point en 2027, n'est pas crédible car, en raison des élections municipales prévues en mars 2026, les investissements s'accéléreront en 2025 alors que le Gouvernement retient une croissance de ces investissements de seulement 1,2 %.
Cinquièmement, les excédents croissants prévus par les administrations publiques de sécurité sociale, qui s'élèvent à 0,2 point du PIB en 2024, soit 5 milliards, sont surréalistes : 0,6 point du PIB en 2025, 0,7 point en 2026 et 1 point pour 2027, ce qui représente 30 milliards. D'après le Gouvernement, la réforme des retraites rapporterait 0,1 point du PIB en 2027, soit 3 milliards. Votre hypothèse, selon laquelle cette réforme rapporterait 0,7 point de PIB en raison d'un accroissement du nombre de travailleurs âgés de 62 à 64 ans, constitue une illusion car, dans cette tranche d'âge, il est peu vraisemblable que l'on retrouve du travail. En outre, l'âge avançant, la productivité baisse.
Sixièmement, la hausse continue du taux des prélèvements obligatoires à partir de 2024 suscite des interrogations puisque ce chiffre est passé de 43,5 % du PIB en 2023 à 44,1 % du PIB en 2027. Il en va de même du montant de la dette publique dont le poids dans le PIB augmente de façon continue.