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Intervention de Général d'armée François Lecointre

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général d'armée François Lecointre, Grand chancelier de la Légion d'honneur :

Je ne peux que m'associer à vos propos. La fondation Un avenir ensemble a été créée par le général Kelche, grand chancelier de la Légion d'honneur qui précédait le général Georgelin. Elle vise à donner l'opportunité à des décorés de parrainer de jeunes gens méritants issus de milieux modestes et qui, parce qu'ils sont méritants et qu'ils ont l'envie de progresser, peuvent faire des études supérieures.

Cette fondation, présidée par le grand chancelier de façon automatique, dispose d'un encours d'un millier de jeunes gens, pour un parrainage qui dure huit ans. Elle a un accord avec l'éducation nationale pour que les recteurs d'académie, en liaison avec les proviseurs, proposent à certains élèves d'accéder à ce dispositif. Ils bénéficient de bourses et d'aides données par la fondation, pour laquelle je recherche en permanence des mécènes. D'ailleurs, la SMLH s'engage à soutenir, à appuyer et à accompagner son action.

Sur l'armement, nous, les armées, n'avons pas réussi à faire ce que nous aurions dû lors de la suspension du service national. Les armées ont disparu du paysage. Ce qu'elles faisaient dans les opérations extérieures n'intéressait personne. Quels qu'aient pu être les efforts consentis, nous n'avons pas réussi à faire prendre conscience de la gravité de ce que faisaient les armées au nom de leurs concitoyens.

Le sujet n'est pas pourquoi vos soldats meurent, mais pourquoi vos soldats tuent en votre nom, parce que quand un soldat tue, au risque de sa vie, il engage la responsabilité de ses concitoyens. Qu'est-ce qui vaut qu'on le fasse ? Nous n'avons pas assez posé cette question, qui présente toute la gravité de l'acte guerrier. Elle devrait interroger nos concitoyens sur les valeurs qui vaillent non pas seulement que je risque ma vie, mais que j'aille jusqu'à commettre cet acte, le tabou absolu, de prendre la vie de quelqu'un d'autre. Ce sujet est au cœur du métier militaire, des armées, mais nous n'avons pas réussi suffisamment à inspirer notre société par ce type de questionnement. Je le regrette. Il faut continuer sans relâche à poser cette question.

J'habite Sauveterre-de-Béarn. Le monument aux morts est un obélisque avec, au pied, une femme en larmes dont on ne voit pas le visage. Ce n'est pas très guerrier et il n'y a pas un seul nom sur le monument. L'explication est à chercher dans le fait que les guerres de religion ont été terribles à Sauveterre-de-Béarn, à la fois la conversion forcée au protestantisme par Jeanne d'Albret et ensuite la reprise en main par Louis XIII et la réinstallation du catholicisme. La conversion forcée des guerres de religion a été tellement terrible, dans un bain de sang tellement épouvantable, que trois cent cinquante ans après, les catholiques et les protestants, au lendemain de la Première Guerre mondiale, n'ont pas voulu que les noms de leurs enfants soient sur le même monument. Dans ce village, il y a donc un monument aux morts pour les catholiques, dans l'église, la liste des morts protestants au temple et un monument républicain sans un seul nom. La profondeur des traces laissées dans l'esprit de la nation, de nos sociétés, par ces sujets aussi graves, nous l'avons oubliée maintenant, mais elle était encore extrêmement vivace chez nos grands-parents. C'est la mesure de cette gravité qu'il faut que nous sachions prendre aujourd'hui et que nous réapprenions à nos concitoyens. C'est à la fois très important et très compliqué.

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