Les ministres de la santé sont tout à fait disposés à nous recevoir. L'approche et les propos du Président de la République sur le vin sont très positifs – ce qui n'a pas toujours été le cas de ses prédécesseurs, quelle que soit leur affiliation politique. Pourtant, les portes du ministère de la santé nous restent fermées lorsqu'il s'agit de participer à des politiques de communication sur la consommation modérée et responsable.
Pourquoi ? Je n'en sais rien. Nous sommes un lobby et nous l'assumons. Il est normal qu'il y ait également des lobbies de la santé. Il est clair qu'ils sont plus forts que nous au sein du ministère de la santé, dont l'approche consiste à réduire toute consommation de vin plutôt que d'inciter à une consommation responsable tout en luttant contre les excès.
Nous sommes évidemment satisfaits que l'État mette en place des politiques de santé publique pour lutter contre la consommation excessive de produits quels qu'ils soient. Pour autant, il est nécessaire de mener un vrai travail pour éduquer à la consommation de nos produits. Des rassemblements de plusieurs centaines de milliers de personnes sont régulièrement organisés en France sans que l'on constate d'excès. Ces occasions devraient être mises à profit pour éduquer à la consommation de nos produits.
La consommation mondiale de vin est plutôt stable, mais on constate une baisse de la consommation de rouge. C'est vrai partout. Nos amis américains arrachent des vignes en Californie. C'est également le cas au Chili et en Australie, comme en France. On assiste à une mutation de la consommation.
Si la consommation de vin avait augmenté assez fortement en Chine, on constate que les exportations vers ce pays baissent, qu'il s'agisse de vins français ou australiens. Nous pensons cependant que les Australiens vont repartir à l'assaut du marché chinois, car des taxes importantes vont être prochainement supprimées.
Reste que le marché mondial du rouge est en difficulté. Il est nécessaire de fournir des outils de soutien à l'exportation aux vignerons indépendants et aux caves coopératives. Pour autant, prospecter des marchés pour y vendre des volumes importants suppose des qualités professionnelles bien particulières. Nous avons besoin de grandes entreprises qui soient de vrais exportateurs et qui soient calibrées pour cela. Nous avons aussi besoin de viticulteurs et de caves coopératives pour conquérir des marchés qui sont un peu différents et plutôt de niche.
Je ne veux pas opposer les deux démarches, pour lesquelles il est nécessaire de simplifier l'accès aux aides à l'exportation existantes. Il ne s'agit pas de réclamer des moyens supplémentaires, mais bien de mieux utiliser les dispositifs déjà prévus afin d'obtenir un effet de levier important. Il faut éviter de marcher sur les platebandes des entreprises dont l'objet même est de conquérir des marchés internationaux en dépêchant suffisamment de personnel à l'étranger pour y parvenir.
S'agissant des effets du réchauffement climatique, les difficultés sont plus importantes dans le Sud et le Sud-Est que dans le Sud-Ouest, où l'eau est pour l'instant plus disponible – ce qui ne veut pas dire que nous n'aurons pas de problèmes dans trente ans.
Je regrette que la question de l'eau soit abordée au sein de notre filière seulement sous l'angle technique – c'est-à-dire en s'interrogeant sur l'allongement du canal depuis le Rhône afin de pouvoir irriguer les Pyrénées-Orientales ou une plus grande partie de l'Occitanie. Il est certes nécessaire de réfléchir à ces aspects ainsi qu'aux investissements que cela représente, mais il faut aussi se pencher sur la question de l'acceptation par la société. Il sera difficile d'expliquer aux Français que l'on emploie de l'eau pour produire quelques litres de vin supplémentaires alors que l'on restreint les usages des habitants d'une ville à proximité. Je caricature, mais très souvent, c'est ainsi que sont posés les termes du débat.
Il faudra bien entendu procéder à des investissements, mais seulement une fois que l'on sera en mesure de bien expliquer à quoi les installations sont destinées, car toutes les solutions techniques ne sont pas acceptables par la société. Faute d'anticipation et d'acceptation, des conflits très importants surgiront et une partie du vignoble comme de l'agriculture pourra disparaître dans certaines régions.
En ce qui concerne la main-d'œuvre pour les vendanges, les besoins sont beaucoup plus importants en Champagne, en Bourgogne et en Alsace que dans le Bordelais. La législation sur le temps de travail est extrêmement restrictive – c'est normal et je ne la remets pas en cause. Il faut pouvoir trouver des adaptations afin d'éviter que ne s'installent des marchands d'heures de vendanges qui ont recours à une main-d'œuvre étrangère parfois mal logée et maltraitée. Lorsque c'est le cas, c'est dramatique d'abord humainement et socialement, mais aussi pour l'image de la viticulture.
Parmi les aménagements possibles, vous avez cité les horaires et les exonérations de charges, notamment pour les salariés. On peut aussi envisager le cumul du RSA et du salaire tiré d'un emploi saisonnier, pour inciter davantage la main-d'œuvre locale.
Il faut aussi améliorer les conditions de logement. Les exigences et l'instabilité actuelles de la réglementation ont amené des exploitations à déléguer l'hébergement à des prestataires peu sourcilleux. Il faut sans doute inciter les collectivités locales à investir dans des hébergements pour les saisonniers, par exemple dans des campings. Cela permettra d'employer la main-d'œuvre locale dans de bonnes conditions.
Les assouplissements nécessaires doivent permettre de mieux payer et mieux traiter les saisonniers.