Structurée de longue date, notre filière fonctionne majoritairement de façon contractualisée avant campagne, système indispensable dans la mesure où nos outils de transformation ont besoin d'être continûment alimentés en matière première de façon à optimiser leur utilisation et à baisser les coûts de production, au bénéfice du consommateur. Historique, la contractualisation s'explique par la nature saisonnière de la production et la nécessité de faire intervenir la transformation dans un temps très court, avant la commercialisation sur l'année. Ces contraintes rendent indispensable un fort lien entre l'amont et l'aval. Le second ne peut se passer du premier, et la réciproque est vraie : à ne se préoccuper que de l'amont, on risquerait de laisser disparaître certaines filières.
Comme représentante du collège Transformation au sein de l'ANIFELT, je soulignerai, alors qu'il a été beaucoup question des problèmes de l'agriculture, la composante industrielle, qui est indispensable au maintien de notre souveraineté alimentaire. La modernisation des outils de transformation, la robotisation – essentielle dans un secteur qui peine de plus en plus à attirer, malgré nos efforts pour réduire la pénibilité –, la sobriété énergétique, les économies d'eau, et la décarbonation requièrent de lourds investissements, tout comme le moindre recours aux produits phytosanitaires dans les champs, puisqu'une matière première plus hétérogène à l'entrée des usines nécessite un tri de plus en plus performant. En perturbant la planification censée assurer une arrivée fluide de la matière première agricole, les aléas climatiques imposeront sans doute une augmentation de notre capacité de transformation instantanée, non pour produire plus, mais pour pouvoir traiter la matière première au moment de son arrivée. En effet, nous sommes de plus en plus fréquemment contraints de renoncer à la récolte de certaines parcelles à cause d'un goulet d'étranglement au niveau de l'usine, qui nous empêche de traiter toute la matière première arrivée à maturité à une date non conforme au calendrier prévu.
Pour préserver une filière, il faut aussi garantir une part de la valeur à chacun de ses maillons. Les relations avec nos clients de la distribution jouent donc un rôle crucial. À cet égard, les lois Egalim ont contribué à préserver les fondamentaux pour nos filières. La réflexion en cours, qui vise à les faire évoluer, ne doit surtout pas aboutir à en détricoter les acquis, notamment la sanctuarisation de la matière première agricole ou les dates butoir visant à prévenir les négociations permanentes, destructrices de valeur. Il reste encore à trouver une solution au problème des centrales d'achat internationales, qui contournent le droit français.