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Intervention de Jean Terlier

Réunion du mardi 16 avril 2024 à 9h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Terlier, président :

Aujourd'hui député de la troisième circonscription du Tarn, j'ai eu la chance de travailler, pendant quinze ans, en tant avocat au barreau d'Albi et connais donc bien le bassin d'emploi de Castres-Mazamet ainsi que la situation de l'agglomération albigeoise. Je souhaite donc tenter d'apporter une contradiction à vos propos, en la fondant non pas sur une expertise de spécialiste, mais sur le ressenti d'une personne ayant travaillé au sein de ce territoire et y étant élu depuis sept ans. L'exemple que vous évoquez concernant les conséquences de l'arrivée du TGV entre Paris et Bordeaux ne me semble pas pouvoir être transposé à l'arrivée de cette infrastructure autoroutière entre Toulouse et Castres-Mazamet. Castres-Mazamet, qui est un bassin d'emploi de 80 000 personnes, est le seul, au sein de l'Occitanie, à ne pas être relié à Toulouse par une infrastructure autoroutière. C'est en revanche le cas de Foix, de Tarbes, de Montauban et d'Albi, et la réalisation de cette infrastructure routière me semble découler, davantage que d'une volonté des élus locaux de valoriser leur action à travers un grand projet, de la nécessité de régler une problématique d'égalité des chances vis-à-vis de ce territoire qui demande à être désenclavé. Aussi, si j'entends les nécessaires précautions qui doivent être prises à l'égard du terme de désenclavement, du fait de sa relativité, j'estime que d'autres notions peuvent être avancées autour de de l'attractivité d'un territoire. Celui-ci souffre en effet en termes d'emploi, à l'image des chefs d'entreprise qui se plaignent de ne pas parvenir à recruter un ingénieur. Il en va donc de sa survie économique.

Il me semble également possible d'établir un parallèle entre cette infrastructure routière et les situations différentes des axes Toulouse-Albi et Toulouse-Castres. Si les préfectures albigeoise et castraise se situent toutes deux à environ 75 kilomètres de l'agglomération toulousaine, l'une bénéficie d'une infrastructure autoroutière tandis que ce n'est pas le cas de l'autre. Or il est flagrant d'observer le développement économique de l'agglomération albigeoise, et notamment la façon dont les secteurs situés le long de cette infrastructure autoroutière ont pu en bénéficier. Des villes telles que Saint-Sulpice-la-Pointe, Lavaur, Rabastens ou Gaillac connaissent aujourd'hui un important développement économique, qui ne s'observe pas sur l'axe entre Toulouse et Castres, dans des villes telles que Cuq-Toulza, Maurens-Scopont ou Puylaurens. La différence est donc évidente entre la situation observée sur la desserte entre Toulouse et Albi et ce qui est aujourd'hui attendu avec cette desserte entre Toulouse et Castres.

J'ajoute que les attentes concernant les emplois sont véritablement majeures. Je citerai l'exemple de la société IMS Networks, située sur le Causse, dans la zone industrielle de Castres, et spécialisée dans la cybersécurité, qui m'a indiqué avoir renoncé depuis des années à embaucher des ingénieurs en raison du manque d'attractivité du territoire. Ces chefs d'entreprise, pourtant sincèrement attachés à leur territoire, se retrouvent ainsi dans l'obligation de délocaliser une partie de leur activité à Toulouse, seul moyen d'accéder à cette manne d'ingénieurs. Des exemples similaires pourraient être évoqués concernant l'ensemble des secteurs d'activité, à l'image des personnes en charge de la psychiatrie à Castres que je recevais la semaine dernière dans ma permanence. La psychiatrie, découpée entre le Nord et le Sud du Tarn, doit faire face à d'importantes difficultés de recrutement de médecins psychiatres dans le secteur Sud, alors que la capitale albigeoise est adéquatement pourvue. Je peux également, pour illustrer davantage mon propos sur ces différences, évoquer nos deux tribunaux judiciaires. Situés à Albi pour l'un et à Castres pour l'autre, ils traitent des volumes d'activité quasiment identiques. Or on dénombre cinquante avocats inscrits au barreau de Castres contre le double au barreau d'Albi. Pourquoi un avocat, qui sort de l'école de Toulouse, souhaite-t-il s'installer à Albi plutôt qu'à Castres, alors même qu'il gagnerait mieux sa vie à Castres ?

Il me semble donc nécessaire d'apprécier la problématique en termes d'attractivité du territoire, et je n'estime pas que les notions de croyance ou de mythe politique soient pertinentes pour cette infrastructure autoroutière. Il existe un réel enjeu, illustré par les appels à l'aide de ces chefs d'entreprise issus de divers secteurs d'activité, autour de la survie économique et de l'attractivité de leur territoire. Alors, même si cette infrastructure autoroutière ne règlera pas toutes les problématiques, une comparaison objective peut être réalisée entre la manière dont s'est développée l'agglomération albigeoise par rapport à l'agglomération Castres-Mazamet, particulièrement pour le développement économique le long de la structure.

Aussi, si j'entends vos observations relatives aux prétendues attentes concernant le développement de Bordeaux et si je vous remercie pour vos propos et vos vastes compétences, j'estime que les périmètres et les données diffèrent. Je tenais simplement à partager mes observations d'élu local, qui côtoie aujourd'hui les entreprises du territoire et peut donc énoncer des constats sur la situation économique d'un bassin d'emploi. Cette autoroute, si elle ne règlera effectivement pas tous les problèmes, me semble représenter une partie de la solution, singulièrement pour l'attractivité du territoire.

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