Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Jérémie Iordanoff

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff :

Voilà un sujet d'apparence technique, et un débat vieux de plus de trente ans. De nombreux avocats craignent la création d'une nouvelle profession réglementée. Mais c'est bien plus qu'un débat professionnel : votre proposition soulève des difficultés d'ordre public et pose la question de la vision que chacun peut avoir de la défense de l'intérêt général et du fonctionnement de notre justice.

Certains veulent croire à l'autorégulation et font confiance aux seuls acteurs économiques. Le droit n'est plus ce qu'il était, disent-ils, les entreprises sont soumises à des exigences de conformité de plus en plus complexes, qui impose une connaissance fine de leur situation ; il est donc indispensable qu'elles soient informées des risques de manquement, et c'est l'objet de la consultation juridique. Il apparaît alors séduisant de concevoir le juriste d'entreprise comme un auxiliaire des pouvoirs publics – terme utilisé par l'auteur du texte – et tentant de se laisser convaincre par l'argument du cercle vertueux selon lequel, si nous voulons inciter les juristes d'entreprise à avertir leur direction d'éventuels problèmes, alors il faut éviter les risques d'auto-incrimination et rendre leurs avis confidentiels.

Mais comment ne pas voir que cela reviendrait à déléguer aux acteurs privés le soin de faire leur propre police, au détriment du contrôle opéré par les autorités de régulation ? Dans un monde idéal, cela pourrait s'entendre. Mais ne soyons pas naïfs : les entreprises ne recherchent pas l'intérêt général, et nous avons besoin d'un contrôle extérieur. Grâce au système mis en place depuis plusieurs années en matière de transparence, nous étions sur une voie prometteuse ; avec ce texte, nous faisons marche arrière.

Certes, le Sénat a apporté quelques garanties : nous saluons ainsi l'idée que la confidentialité ne doit pas être opposable en matière fiscale ou pénale, et qu'elle puisse être contestée devant un juge. Mais elle reste applicable aux enquêtes menées par les autorités administratives indépendantes, comme l'Autorité de la concurrence ou l'Autorité des marchés financiers, ce qui entravera inévitablement leur action. Le Sénat a en effet rejeté les amendements de nos collègues visant à introduire une dérogation sur ce point. Le risque de « boîte noire » a été évoqué : nous partageons cette inquiétude.

Si nous comprenons l'intention de favoriser les intérêts économiques – en réalité, certains intérêts économiques –, cela ne peut se faire au détriment de la transparence nécessaire au respect des droits fondamentaux, notamment en matière sociale et environnementale. Le groupe Écologiste votera donc contre ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.