Intervention de Mathilde Desjonquères

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Desjonquères :

La France, par l'absence de toute confidentialité des avis des juristes d'entreprise, se distingue des autres pays de l'OCDE et de l'Union européenne. La question du statut du juriste d'entreprise et de la confidentialité de ses avis est débattue depuis le début des années 1990 mais n'a jamais trouvé de conclusion définitive. La présente proposition de loi tend à clore ce débat en attribuant, sous certaines conditions, le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridiques rédigées par les juristes d'entreprise qui sont, depuis 1971, autorisés à donner des consultations juridiques à l'entreprise qui les emploie. Avec 20 000 professionnels, les juristes d'entreprise constituent la deuxième profession juridique de notre pays, après les avocats, ce qui n'est pas négligeable.

Le présent texte, composé d'un article unique, fait bénéficier les consultations juridiques rédigées par un juriste d'entreprise ou un membre de son équipe placé sous son autorité d'un privilège de confidentialité – attaché au document et non à la personne – pourvu que certaines conditions soient remplies : qualification et formation de l'auteur du document ; qualité ou fonction du destinataire ; apposition de la mention « confidentiel » sur le document, qui est pénalement sanctionnée en cas d'apposition frauduleuse. La confidentialité entraîne l'insaisissabilité et l'inopposabilité des documents concernés dans le cadre de procédures ou de litiges en matière civile, commerciale ou administrative. Elle est en revanche privée d'effet dans le cadre d'une procédure pénale et fiscale.

Cette proposition de loi permet de renforcer la souveraineté de la France et de protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale. En effet, la différence de protection de la confidentialité entre les juristes d'entreprises françaiss et leurs homologues étrangers place les structures françaises dans une situation défavorable et davantage sujette aux poursuites judiciaires. Elle constitue également un frein à l'attractivité de la place de Paris. L'absence de protection de la confidentialité des consultations juridiques, face à l'émergence des principes de conformité auxquels les entreprises doivent se soumettre, tend à crisper les investisseurs, qu'ils soient français ou étrangers.

Le groupe Démocrate a bien conscience que cette proposition de loi inquiète une large partie des avocats. Ces inquiétudes sont légitimes mais, monsieur le rapporteur, vous y avez répondu lors des différentes auditions que vous avez menées. Cette proposition de loi ne crée pas une nouvelle profession réglementée et, pour pouvoir bénéficier de la confidentialité de ses consultations, le juriste devra être titulaire d'un master 2 en droit et avoir suivi une formation déontologique. De plus, le champ d'application de la mesure est restreint et la levée de la confidentialité pourra être demandée si le document a incité ou facilité la commission d'une infraction. Comme l'a rappelé la sénatrice Dominique Vérien, les missions de l'avocat et du juriste sont complémentaires : l'avocat intervient ponctuellement pour une mission spécifique alors que le juriste travaille en continu dans l'entreprise.

Dans un contexte d'augmentation croissante de la demande d'éthique, à la fois dans les pratiques internes et externes des entreprises, la protection de la confidentialité et des avis juridiques renforcera inévitablement la réflexion juridique en leur sein.

Le groupe Démocrate soutiendra, comme lors de l'examen du projet de loi de programmation et d'orientation du ministère de la justice, ce dispositif et les amendements permettant de le parfaire.

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