La politique agricole telle qu'elle a été conçue en 1962 a duré trente ans dans son état originel. Elle était d'ailleurs l'unique politique européenne et elle a représenté le point fondamental de la construction européenne, dans le cadre d'un marché unique et de la solidarité des six pays qui constituaient alors la Communauté économique européenne.
Trente ans plus tard, il a été décidé d'alléger de nombreuses productions pour des raisons de surproduction. Les céréales affichaient un prix élevé, très satisfaisant pour les agriculteurs, mais pas du tout compétitif. Dès lors, les fabricants d'aliments pour le bétail, entre autres, utilisaient des produits de substitution, notamment issus du maïs américain, peu onéreux. De nombreux coproduits du maïs américain arrivaient alors en Europe et en France pour l'alimentation animale pour des raisons de coûts. Des compensations ont été mises en place, d'abord à l'hectare, puis à l'exploitation agricole, qui ont généré une suradministration. Et force est de constater que, dans une Union européenne à vingt-sept membres, les attendus des différents pays sont parfois totalement opposés.
Une politique agricole et une politique alimentaire sont-elles indispensables ? Assurément, parce que les rendements fluctuent beaucoup. La moindre variation influe sur les prix. Il est indispensable d'identifier un cadre à l'intérieur duquel les acteurs puissent fonctionner. D'ailleurs, les agriculteurs eux-mêmes souhaitent une économie qui fonctionne.
Dans ce cadre, il serait possible de définir une politique d'aide alimentaire, une politique de développement de filières de grande qualité, des règles de fonctionnement uniformisées, etc. Des pays tels que l'Allemagne ou certains pays baltes cultivent et produisent des blés de grande qualité, mais les règles de fonctionnement ne sont pas harmonisées. La concurrence, l'esprit de compétitivité sont nécessaires dans ce cadre. Nous n'avons pas suffisamment de compétitivité, mais cela tient à l'économie en général et pas uniquement à l'agriculture.
Les agriculteurs doivent également faire des efforts de restructuration, mais dans le cadre d'une politique agricole et alimentaire de grande ambition. Un champ n'a pas de toit et il existe donc toujours un risque sur la quantité ou la qualité produite. Les agriculteurs sont dépendants des conditions météorologiques qui impactent le marché. C'est pourquoi il est indispensable de définir un cadre.