En effet, notre filière a toujours été structurée et organisée et a toujours essayé d'être leader.
À titre exemple, en 2018, le Président de la République a prononcé le discours de Rungis, qui demandait à l'ensemble des filières agricoles et agroalimentaires : « Prenez-vous en main pour améliorer la qualité de vos produits d'une manière générale, pour monter en gamme de sorte à tirer plus de valeur vers les clients consommateurs. » Nous avons anticipé et nous avons fait le job en travaillant sur trois axes majeurs.
D'abord, nous nous sommes attachés aux attentes des clients consommateurs. Nous avons fait en sorte de ne pas être en attente de l'expression des besoins du client, qu'il soit en France ou hors de France, et d'aller à sa rencontre afin de recueillir ses desiderata en termes de qualité afin de produire au plus près des besoins.
Le deuxième axe consistait à identifier des solutions de transition, c'est-à-dire à nous projeter dans l'avenir : moins de chimie, plus d'agronomie ; moins de chimie, plus de génétique ; moins de chimie, plus de biologie ; moins de chimie, plus de mécanique de précision, etc.
Le troisième axe concernait la compétitivité. L'agriculture et l'agroalimentaire, au même titre que de nombreuses activités économiques en France, souffrent d'un déficit flagrant de compétitivité. Il s'agit d'ailleurs du constat majeur à poser sur notre filière. Entre le printemps 2018 et le printemps 2024, les décideurs ont exprimé de nombreux souhaits et ont été relayés par le Gouvernement, l'Assemblée nationale, voire par les régions qui ont demandé à l'agriculture céréalière d'être économe en intrants, d'occuper le territoire, de produire de la biomasse, etc. Le Gouvernement souhaite que nous produisions trente millions de tonnes supplémentaires de biomasse, de façon à répondre à des enjeux énergétiques, tout en continuant à produire pour nos clients consommateurs. C'est bien le sens du discours de Rungis, prononcé en 2018. Cependant, force est de constater que de nombreuses solutions nous ont été supprimées. Il faut passer à autre chose, mais, en attendant, il faut quand même pouvoir utiliser les méthodes actuelles. À titre d'exemple, certaines solutions de lutte contre les maladies des feuillages et des grains entraînent parfois le développement de mycotoxines, c'est-à-dire des champignons très toxiques.
Le ministre de l'agriculture et ses services, avec lesquels nous sommes en contact étroit, sont eux-mêmes un peu désabusés. L'Administration a anticipé ou a pris des décisions qui ont été beaucoup trop importantes, excessives, et qui ne laissaient pas le temps à la génétique, notamment, à la sélection variétale, de mettre au point des solutions. Le ministre Marc Fesneau a été sensibilisé. Nous l'avons rencontré à plusieurs reprises. Nous avons également rencontré le secrétaire général à la planification écologique, M. Peillon, afin de lui expliquer que pour atteindre ces objectifs de quantité alimentaire de biomasse, de réponse à des clients en France et à l'international, de transition agricole écologique, il fallait un délai plus long et qu'il importait de ne pas nous demander tout et son contraire dans la même semaine.
Les élus et le Gouvernement étaient totalement alignés avec notre point de vue parce qu'il relevait du bon sens. Nous ne faisons aucun procès d'intention, mais force est de constater que, parfois, la grande Administration s'emballe un peu sur des décisions qui freinent l'économie et qui ne permettent pas d'avoir le temps de travailler ces fameuses solutions.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons parlé d'injonctions contradictoires : celles-ci ne rendent service ni aux agriculteurs ni aux filières agricoles et agroalimentaires.