Ce qui peut nous interroger, dans l'accord avec la Nouvelle-Zélande, c'est le rapport entre la population de ce pays et celle de l'Europe. La finalité des produits laitiers est d'être consommés. Si nous comprenons l'intérêt, pour un pays peuplé de 5 millions de consommateurs, de commercer avec une zone qui en compte 500 millions, l'intérêt stratégique inverse est moins évident.
Les échanges commerciaux de la Nouvelle-Zélande se font en priorité avec la Chine, puisque près de 70 % des importations chinoises proviennent de ce pays. Cela nous fait courir un risque géopolitique, que nous ne maîtrisons pas. Nous n'avons pas maîtrisé la crise financière de 2007-2008, pas plus que la crise de l'embargo russe décidé en 2014, ou celle de l'inflation consécutive à la guerre en Ukraine. Or toutes ces crises exogènes déstabilisent les marchés et la filière laitière. Si les affaires se font normalement, il n'y a pas de raison que la Nouvelle-Zélande ne continue pas de commercer avec la Chine. Mais la Chine pourrait un jour décider de procéder différemment, de produire davantage pour devenir autosuffisante. Dans de telles circonstances, la Nouvelle-Zélande, du fait de son accord de libre-échange avec l'Union européenne, orienterait sa filière laitière vers les 500 millions de consommateurs européens, ce qui déstabiliserait complètement le marché européen, comme ce fut le cas en 2015-2016 avec l'embargo russe.
Nous souhaiterions que l'Europe prenne une position forte en prévision d'une telle crise. Passer des accords de libre-échange avec des pays comme le Japon, qui ne sont pas de gros exportateurs laitiers, ne nous pose pas de problème. D'ailleurs, je l'ai dit, d'autres accords de libre-échange sont plutôt positifs.