S'agissant des quotas, je rappellerai que la politique commune des pêches a été établie dans les années 1980, à l'époque les États membres étaient bien moins nombreux qu'aujourd'hui. La France avait obtenu une bonne part des quotas, qui sont aujourd'hui calculés selon le volume et la puissance de flotte. À l'époque, notre flottille était nettement plus importante. Comme je l'ai indiqué, nous avons perdu 60 % de nos bateaux en trente ans. Quand des plans de sortie de flotte interviennent, à l'image de celui qui a eu lieu pour le Brexit, nous perdons définitivement les quotas.
Les quotas sont également établis en fonction des avis scientifiques, lesquels sont revus tous les douze mois, à l'issue de négociations marathon entre différentes délégations. Un travail scientifique est produit en amont par des instituts comme le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) ou l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER). Mais ces estimations sont en décalage avec ce que nous constatons en mer : la ressource est plus présente que ce qui est indiqué dans ces mêmes estimations, lesquelles ont deux ans de retard par rapport à nos observations. Les pêcheurs ne comprennent pas que leurs quotas diminuent de 40 % alors que la ressource est plus abondante.
Des organisations de producteurs ont été créées par l'Union européenne pour valoriser le marché et gérer les espèces sous quotas. Je précise que toutes les espèces ne sont pas sous quotas, à l'instar de la coquille Saint-Jacques ou du bar, qui relèvent du mécanisme de plafonds de capture, lesquels sont gérés par les États membres. J'ajoute que des procédures d'échanges de quotas interviennent également entre pays européens. Depuis le Brexit, nous assistons à une négociation à deux vitesses, sans oublier les accords avec la Norvège. Par exemple, le traité de la baie de Granville fait des îles anglo-normandes un pays tiers à cinq kilomètres de nos côtes. Aujourd'hui, la filière subit des chocs fulgurants, auxquels elle doit s'adapter. Parmi tous les secteurs, la pêche est certainement celui qui en subit le plus, qu'il s'agisse de la mondialisation ou du dérèglement climatique.
Vous avez mentionné les navires espagnols qui pêchent sur nos côtes. Je rappelle que la largeur maximale des eaux territoriales est fixée à douze miles marins et que la zone économique exclusive (ZEE) s'étend au total à 200 milles nautiques. Cette ZEE s'entend comme des eaux européennes, sous juridiction française. À partir du moment où il dispose de quotas dans la zone, n'importe quel navire européen peut pêcher. En revanche, la pêche dans les eaux françaises, proches du littoral, est réservée aux bateaux français. Mais certains navires battant pavillon français sont en réalité financés par des capitaux espagnols. Quand l'Espagne est entrée dans l'Europe, elle ne bénéficiait pas des quotas que la France avait obtenus à l'époque. De plus, ce pays n'a pas de plateau continental, lequel permet la présence d'espèces particulières.
La protection environnementale est légitime et la France répond déjà aux obligations communautaires et internationales : le ratio de 30 % d'aires marines protégées est déjà effectif en France. Nous allons même plus loin dans certaines zones, pour atteindre 57 % en Bretagne par exemple. Les professionnels ont d'ailleurs eux-mêmes proposé des zones de forte protection où ils s'interdisent d'aller, car ils connaissent mieux que quiconque l'existence d'écosystèmes marins vulnérables. Nous savons gérer la ressource. Par exemple, il n'y a jamais eu autant de thons rouges en Méditerranée, quand il y a vingt ans, on nous disait que l'espèce était en voie d'extinction. Il en va de même pour la coquille Saint-Jacques. Nous avons tellement bien géré l'espèce qu'en vingt ou trente ans, nous sommes passées de volumes artisanaux à des volumes industriels. Nous pouvons en être fiers. Malheureusement, l'OMC a estimé que l'appellation « noix de Saint-Jacques » peut s'étendre à la pétoncle en provenance du Chili, du Pérou, du Canada, ce qui conduit in fine à une concurrence déloyale.
Enfin, vous avez mentionné la question des parcs d'éoliennes, que je souhaite élargir à celle des énergies renouvelables dans leur ensemble. Elle implique l'existence d'une véritable planification et donc d'une concertation, laquelle fait malheureusement défaut aujourd'hui. La planification en mer n'est pas qu'énergétique, elle doit être également environnementale et halieutique. Il ne s'agit pas d'opposer les différents acteurs qui sont en réalité liés les uns aux autres ; il faut trouver les meilleures solutions possibles, permettant à chaque activité de se poursuivre. Les activités de pêche doivent pouvoir continuer dans les zones où sont implantées les installations consacrées aux énergies renouvelables.
La transition énergétique est nécessaire, comme l'est tout autant celle de notre flotte de pêche. À l'heure actuelle, la moyenne d'âge de la flotte est de trente ans en métropole et de soixante ans dans les départements d'outre-mer. Si nous ne trouvons pas le moyen que la Commission européenne autorise son renouvellement – non pas pour pêcher plus, mais pour pêcher et valoriser mieux –, nous manquerons encore une fois le virage de la continuité de nos activités d'exploitation de ressources halieutiques.