En préambule, je voudrais souligner qu'à nous trois, nous représentons la filière halieutique française. Notre rôle consiste à nourrir la population, au même titre que les agriculteurs ; nous sommes en quelque sorte des paysans de la mer et nous exerçons nos métiers avec fierté. Je précise à mon tour que nous avons mis en place un plan national de filière algue, dans la mesure où il ne sera pas possible de produire des algues au large sans les conchyliculteurs et sans les pêcheurs. Nous agissons donc bien de concert, dans le seul but de nourrir la population.
Le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins est composé d'administrateurs élus, ce qui nous confère une légitimité pour pouvoir nous exprimer devant vous et, simultanément, établir des règles qui s'appliquent à tous, en lien avec l'État et les préfets de région.
La pêche française représente environ 500 000 tonnes de produits chaque année, pêchés à partir de 6 000 navires, dont 4 000 en métropole et 2 000 dans les départements d'outre-mer. N'oublions pas en effet que l'aire maritime française se répartit de la manière suivante : 3 % en métropole et 97 % en dehors de la métropole.
Nos trois secteurs qui composent cette filière halieutique rencontrent aujourd'hui des difficultés. Nous subissons en effet des chocs depuis les trois à quatre dernières années : le Brexit, la pandémie de covid et le dérèglement climatique, dont nos secteurs sont les premières victimes. La qualité de l'eau est fondamentale pour notre activité ; la terre a pour vocation de nourrir la mer et non de la salir. De fait, 90 % des pollutions en mer proviennent de la terre. La directive-cadre Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) impose d'avoir une mer saine, propre et productive.
La politique commune européenne des pêches permet aujourd'hui de proposer une pêche durable, même si de nombreux efforts demeurent à accomplir. Aujourd'hui, 60 % des espèces sont au rendement maximum durable (RMD), contre 7 % il y a vingt ans, soit une croissance à deux chiffres. Mais nous ne maîtrisons pas un certain nombre d'éléments, comme le dérèglement climatique ou d'autres évolutions.
Il me semble nécessaire de souligner ces aspects, dans la mesure où la société française est surtout terrienne et peu maritime. Elle ne voit pas le monde de la mer et de l'espace maritime comme une activité économique, mais plutôt comme une activité de loisirs. Il faut savoir que 39 % des ressources pêchées dans le monde aujourd'hui le sont par la Chine et ses 7 000 navires-usines. Nous ne pouvons pas accepter qu'un milliard d'habitants s'octroient 40 % de la ressource et que les 7 milliards restants doivent s'en satisfaire, nombre d'entre eux étant obligés de se déplacer, car ils ne trouvent pas de quoi se nourrir chez eux. Nous ne réglerons pas le problème de la surpêche en établissant des sanctuaires, mais bien en redonnant aux pays la capacité de produire et d'aller pêcher leurs produits quand aujourd'hui ils se font piller devant leurs côtes.
Fort heureusement, l'approche est assez exemplaire en France. Au titre de cette souveraineté, nous avons défini des règles, que nous faisons respecter. Politiquement, cela signifie que nous prenons en main notre destin. Je rappelle à nouveau que l'objectif de la pêche professionnelle consiste bien à nourrir la population. Je souligne également que la pêche française ne représente que 20 % de la demande nationale : sur un étal de poissonnier, 80 % des produits disponibles sont importés.
Par ailleurs, il faut rééduquer les Français, qui consomment essentiellement quatre espèces majeures : le thon, le saumon, qui est très peu élevé en France, le cabillaud, qui n'est pas pêché par la pêche française, et la crevette, qui provient essentiellement du Mozambique, où il n'existe aucune norme environnementale ni sociale. Il est indispensable d'élargir la consommation nationale à la multitude d'espèces dont nous disposons en France et que tous les pays en Europe nous envient.
Je rappelle aussi que notre filière halieutique fait partie des activités les moins carbonées. Nous répondons à tous les standards internationaux ou communautaires. De plus, le poisson fournit une protéine à haute valeur nutritionnelle, qui est en outre la dernière protéine sauvage. Malheureusement, notre filière n'est pas aujourd'hui considérée comme stratégique et nous sommes confrontés à un carcan administratif extrêmement pesant, qu'il soit communautaire ou national.
Il faut redonner aux entreprises leur capacité à agir, avec des emplois français, ce qui implique de former des jeunes. Malheureusement, nous ne trouvons plus aujourd'hui de marins français. Il est nécessaire de remettre en valeur cette filière au sein de l'éducation nationale, de parler de ses métiers, quels qu'ils soient, privés ou militaires, mais également des autres activités liées comme le commerce ou le shipping.
Nous ne pouvons pas continuer d'exercer des métiers qui souffrent, comme toute la filière, d'un manque de visibilité : tous les onze mois, les règles sont remises en cause. Cela n'est plus possible, d'autant plus que les investissements auxquels les pêcheurs doivent consentir sont particulièrement onéreux : sur un navire de pêche, le mètre linéaire coûte 180 000 euros. Sans le soutien public national et sans le soutien de l'Union européenne, nous perdrons notre souveraineté alimentaire.