Madame Lacoue-Labarthe, vous avez parlé du rôle de votre direction dans une négociation commerciale. Quel est votre véritable poids ? Comment pouvez-vous peser dans de telles négociations ? Parvenez-vous à bloquer des accords commerciaux pour protéger certains produits ? À l'inverse, l'Union européenne vous impose-t-elle ses points de vue ?
Votre hiérarchie vous fixe-t-elle des objectifs précis pour protéger le marché français, pour protéger des filières, ou êtes-vous surtout chargés d'appliquer les traités de libre-échange, sans adopter une vision protectionniste du marché agricole français.
Il existe des différences notables entre le modèle agricole des pays européens et le modèle agricole français, qui demeure malgré tout une exception. J'aimerais à mon tour vous entendre sur la notion d'exception agriculturelle, qui pourrait s'appliquer à un pays comme la France et me semble largement nécessaire et adaptée à notre modèle agricole. On a parfois l'impression que, dans le cadre des accords commerciaux, notre agriculture française est affaiblie au profit par exemple des exportations d'automobiles allemandes.
Madame Disdier, j'ai été interpellé quand, lors de votre présentation, vous avez indiqué que la perte de parts de marché ne serait pas due aux traités de libre-échange. Je pense notamment au cas du poulet. Nous consommons toujours autant de poulet en France en quantité mais le poulet français est largement remplacé par le poulet étranger, qui est vendu moins cher. En conséquence, il est loisible de se demander si les traités de libre-échange ne font pas en réalité perdre des parts de marché à la production agricole française.
La perte de compétitivité n'est-elle pas également due au surplus normatif, à l'inflation, aux charges, qui sont exceptionnelles élevées en France par rapport à d'autres pays européens et extra-européens ?
Il existe également une divergence de point de vue sur la définition de la souveraineté alimentaire. Vous avez estimé que notre souveraineté alimentaire peut être établie grâce au solde favorable entre nos exportations et nos importations agroalimentaires. Or une majorité de produits sont aujourd'hui importés parce que nous ne les produisons plus. Dans le cadre d'une vision forte de notre souveraineté alimentaire, il serait quand même plus logique de produire à nouveau en France ces produits que nous importons aujourd'hui. En cas de crise, nous ne sommes en effet pas certains de poursuivre ces importations.