Ma première question a trait aux accords de libre-échange. La question des filières fragiles concerne essentiellement le secteur de l'élevage, principalement l'élevage bovin. Celui-ci a été au cœur des débats récents sur le CETA, en oubliant que, depuis sa mise en œuvre il y a sept ans, celui-ci a été particulièrement favorable à d'autres secteurs de l'agriculture française et européenne.
L'argumentaire déployé par la Fédération nationale bovine met en exergue un certain nombre de risques de déstabilisation de la filière de l'élevage bovin, en particulier l'élevage bovin allaitant, dont les fonctions, économiques et sociales sont importantes dans notre pays mais qui joue également un rôle non négligeable pour le maintien des paysages, de la nature, de la biodiversité.
Il y a là un véritable facteur de blocage et un risque pour les productions et les producteurs de nos territoires, même si les quotas sont finalement peu importants par rapport aux volumes produits. Comment se fait-il que les autorités nationales, mais aussi européennes, ne mettent pas en œuvre plus de moyens d'accompagnement en Europe et en France pour ces filières fragiles ? Pour concrétiser l'accord avec le Mercosur, il faut sans doute faire un geste en direction des amis brésiliens ou argentins tout en établissant des accompagnements renforcés à l'échelle européenne et nationale pour ces filières fragiles.
Vous avez également évoqué la question de la spécialisation. Je me souviens qu'il y a une vingtaine ou trentaine d'années, la France était en tête des pays exportateurs mondiaux de produits agricoles bruts et transformés. Nous occupons désormais la septième place. Nous avons donc perdu de nombreuses parts de marché, alors que notre spécialisation s'est orientée vers les marchés moyen et haut de gamme, qui doivent progresser.
La demande alimentaire mondiale future combine des éléments quantitatifs, avec une hausse de la population mondiale estimée à deux milliards d'habitants d'ici à 2050, et des éléments qualitatifs, puisque les classes moyennes des pays émergents tendent à consommer une alimentation comparable à la nôtre.
Notre perte de parts de marché ne constitue-t-elle pas un échec monumental et une des causes de la perte de notre souveraineté ? Au fond, la souveraineté repose aussi sur ce que nous sommes capables d'exporter, non seulement des produits, mais aussi des idées, des techniques, des savoir-faire.
J'entends vos arguments sur les modèles gastronomiques. Mais les grands modèles alimentaires dans le monde ne sont pas si nombreux. On peut penser au modèle italien – la pizza et les pâtes sont très populaires, donc plus faciles à généraliser et à vendre –, au modèle indien, aux modèles asiatiques. En revanche, le modèle français, qui est reconnu pour sa gastronomie, n'a pas été très bien vendu. Comment l'expliquez-vous ?