Intervention de Bruno Maquart

Réunion du jeudi 28 mars 2024 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Bruno Maquart, président d'Universcience :

Universcience est un établissement public qui regroupe deux sites physiques ‒ le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie ‒, un site numérique ‒ leblob.fr. ‒ et un programme d'éducation artistique et culturelle sur les territoires ‒ Fab Lab à l'école.

Universcience a accueilli 2,5 millions de visiteurs l'année dernière. L'esprit critique est une question qui nous occupe depuis quelques années et qui fait partie des trois piliers intellectuels de la maison, avec l'innovation et la durabilité.

Si je caricature, nous sortons d'un monde dans lequel nous avions accès à l'information par des livres disponibles dans des bibliothèques et accessibles par l'intermédiaire de nos maîtres.

Aujourd'hui, l'information est partout, accessible à tout moment et par tous. Elle est totalement dérégulée et la parole de chacun vaut celle de sa voisine ou de son voisin, sans hiérarchie.

Dans ce contexte, nos métiers ont changé. Il ne s'agit plus simplement de permettre à chacun de compléter ses connaissances, mais plutôt d'aider à trier et à qualifier l'information pour que chacun puisse avoir un avis propre et fondé. C'est par ailleurs la base d'une vie démocratique saine.

Comme nous promouvons la science, nous avons décidé de mesurer l'esprit critique. Ainsi pour la troisième année, nous avons réalisé un sondage national que nous appelons le « Baromètre de l'esprit critique ». Ce sondage réalisé par OpinionWay vise à interroger les Français sur leur rapport à la science, leurs moyens d'information, et leur rapport à l'esprit critique.

L'esprit critique nous intéresse parce que la méthode scientifique est une méthode du « doute organisé » qui indique la voie pour sortir de l'incertitude et parvenir à un degré de certitude plus élevé. Nous pensons que la culture scientifique est un moyen d'exercer son esprit critique pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Le but est de faire de chacune et de chacun des citoyennes et des citoyens éclairés. Nous sommes là pour aider à penser, pas pour dire ce qu'il faut penser.

C'est pourquoi nous avons lancé le « Printemps de l'esprit critique », du 21 mars au 3 avril, avec l'organisation d'événements qui visent à intéresser le grand public à l'esprit critique tels que des ateliers sur la distinction entre un fait et une croyance ou des ateliers sur les biais cognitifs. Il y a aussi des activités qui permettent de promouvoir l'éducation aux médias, pour laquelle nous sommes d'ailleurs partenaires actifs du Clémi.

Pour la première fois cette année, le Printemps de l'esprit critique est devenu national. Cette initiative a été couronnée de succès puisque nous avons réuni une soixantaine de partenaires de toutes tailles et sur toute la France, au-delà du seul champ de la culture scientifique. De nombreuses bibliothèques, des médiathèques mais aussi des institutions de recherche, des écoles de journalisme, et même les bibliothèques municipales de Barcelone ont manifesté leur intérêt pour notre démarche.

Par ailleurs, le Baromètre pose chaque année des questions sur un sujet nouveau. La première année, il s'agissait des vaccins ; l'an dernier le sujet du changement climatique avait été retenu. Cette année, nous avons choisi l'intelligence artificielle (IA).

Que nous apprend le dernier Baromètre de l'esprit critique ?

Tout d'abord, 75 % des répondants se définissent comme ayant l'esprit critique. Celui-ci se caractérise par un raisonnement logique et rationnel ‒ pour 44 % des répondants ‒, par le fait de s'informer avant de prendre position, ou encore par la capacité à échanger avec des personnes aux opinions divergentes ‒ 41 % des répondants. Nous constatons en revanche que la connaissance des biais cognitifs est très faible et qu'il faut absolument travailler sur ce sujet.

Ensuite, une nette majorité de répondants ‒ 82 % ‒ considère pouvoir changer d'opinion sur la base de raisons convaincantes ; 78 % des répondants affirment comparer différents points de vue avant de se faire une opinion ; 77 % considèrent qu'il est important de remettre en question les croyances traditionnelles avec des preuves logiques et rationnelles. Il semblerait que la population française soit plus experte sur ces questions que nous ne le pensions.

Nous avons également demandé aux répondants s'ils préféraient échanger avec des personnes qui pensent comme eux ou avec des personnes ayant des opinions contraires : 46 % affirment préférer échanger avec des personnes qui partagent leur opinion et 45 % le contraire.

Il est intéressant de noter que les débats ont lieu au cours d'échanges entre amis ‒ 63 % ‒, lors de repas de famille ‒ 59 % ‒, ou dans le monde du travail ‒ 41 %.

Les réseaux sociaux, qui participent d'une nouvelle ère informationnelle, ne sont utilisés pour débattre que par 22 % des répondants. Cette proportion augmente néanmoins significativement chez les jeunes puisque 35 % des 18-24 ans et 44 % des 25-34 ans indiquent un usage régulier ou épisodique des réseaux sociaux pour débattre.

Nous avons également demandé aux sondés quels étaient les enseignements scolaires qui leur avaient permis de développer leur esprit critique. Il faut reconnaître que nous avons été surpris de constater qu'ils évoquaient majoritairement le français et la littérature ‒ deux fois plus que les mathématiques.

S'agissant des personnes qui leur ont permis de développer leur esprit critique, ils répondent très majoritairement : les parents, les enseignants, les amis et, dans une moindre mesure, les auteurs lus.

Concernant l'IA, les Français ont une perception nuancée. Ils discernent des avantages comme des inconvénients, avec un fort gradient d'âge. Quels que soient les items, les jeunes ont une confiance plus grande envers les nouvelles technologies et envers la science que le reste de la population.

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