Nous avons organisé la semaine dernière une table ronde avec des chercheurs et des scientifiques pour définir la notion de souveraineté alimentaire ; je tiens à poursuivre cette discussion avec vous car le rapport de FranceAgriMer y consacre une partie importante.
Après avoir lu attentivement ce que vous aviez écrit et entendu ce que vous venez de dire, je m'interroge. En réalité, avons-nous bien posé les termes du débat ? Ce débat existe-t-il vraiment ? Les trois scientifiques que nous avons entendus la semaine dernière nous ont tous dit, à partir de philosophies économiques et agricoles différentes, que le sujet de la souveraineté alimentaire ne se posait pas en France, ni même en Europe. Comme le montre votre étude, nous sommes, à l'exception de quelques productions, dans le vert – un vert parfois très vif. En outre, les dépendances que nous avons consenties vis-à-vis de nos partenaires européens ne présentent pas le même niveau de risque que les dépendances à l'égard d'États tiers, car elles s'inscrivent dans le cadre d'une union politique avec une politique agricole commune (PAC), un marché unique et un ordre juridique protecteur à l'égard des États et des opérateurs.
Je souhaiterais vous entendre sur l'évolution de la notion de souveraineté alimentaire. À force de tirer le fil, nous l'avons peut-être trop éloignée de sa signification originelle, élaborée au sein des milieux altermondialistes. Poser le problème en termes de souveraineté alimentaire n'empêche-t-il pas d'aborder les questions légitimes auxquelles l'agriculture française est confrontée, concernant les modèles de production, la structure des revenus, la taille des exploitations, la diversification des filières, le succès ou non de la politique commerciale à l'export ?