Nous achevons aujourd'hui, avec la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 4 avril, le parcours parlementaire de ce projet de loi Ddadue, entamé au Sénat en décembre 2023. Je me réjouis que l'Assemblée nationale et le Sénat soient parvenus à un accord. C'est pourquoi je tiens, avant toute chose, à remercier chacune et chacun d'entre vous pour les échanges qui nous ont animés tout au long de l'examen de ce texte, en particulier MM. les rapporteurs Ludovic Mendes, Daniel Labaronne, Stéphane Vojetta et Damien Adam. Les discussions qui se sont tenues dans les deux chambres ont permis d'aboutir à un texte consensuel qu'il vous revient désormais d'adopter définitivement.
Le droit français s'enrichit régulièrement de décisions arrêtées conjointement avec les autres États membres. La création d'un cadre européen unifié, applicable partout dans l'Union, est en effet la meilleure protection, le meilleur accompagnement que nous puissions offrir à nos entreprises et à nos concitoyens. C'est ce niveau d'exigence dans la conformité du droit national aux évolutions législatives européennes que nous souhaitons maintenir – celui qui place la France au premier rang du classement établi par la Commission européenne en matière de transposition des directives par les États membres.
Les projets de loi Ddadue sont des objets particuliers, qui concernent souvent des points à la fois très divers et très techniques. C'est la raison pour laquelle ce texte contient des habilitations à légiférer par ordonnance, dont j'ai bien conscience que les parlementaires ne sont pas friands. Soyez assurés que le Gouvernement s'est efforcé de limiter autant que possible le recours à cette pratique. En outre, nous avons veillé à ce que les délais octroyés restent raisonnables, tout en tenant compte de la complexité de certaines des dispositions à transposer.
À l'issue de ces travaux, ce sont des dispositions relatives à l'économie et aux finances, à la transition écologique, au droit pénal et social ainsi qu'à l'agriculture qui seront intégrées dans le droit national. Sans entrer dans le détail des près de quarante articles que compte désormais le texte, je souhaite m'attarder sur certains éléments qui me semblent particulièrement importants.
S'agissant du volet économique et financier, le projet de loi permettra au droit interne d'être en phase avec les évolutions du droit européen. Ce sera par exemple le cas en matière de protection des consommateurs, notamment pour ce qui concerne l'activité des influenceurs – un domaine qui me tient particulièrement à cœur en tant que secrétaire d'État chargée du numérique –, alors que les réseaux sociaux occupent une place de plus en plus importante dans la société. Je pense notamment aux plus jeunes, qu'il convient de protéger contre des pratiques déloyales et parfois dangereuses.
À l'article 3, nos échanges ont permis d'aboutir à une rédaction à mon sens équilibrée, qui renforcera l'efficacité de notre arsenal juridique. Le Gouvernement sera ainsi habilité à légiférer par ordonnance pour apporter les modifications nécessaires à la loi relative à l'influence commerciale, dont le rapporteur Stéphane Vojetta est à l'initiative. La Commission européenne nous ayant alertés sur ce texte, ces évolutions seront primordiales pour que la loi soit conforme au droit européen, donc pleinement applicable sans risque juridique. Depuis l'entrée en vigueur du règlement relatif à un marché unique des services numériques, le DSA, qu'anticipaient les parlementaires en adoptant la loi « influenceurs », certains articles de cette dernière sont devenus redondants. C'est donc à raison que l'article 3 du présent projet de loi prévoit leur abrogation.
D'autres articles, dans le titre Ier de la loi relative à l'influence commerciale, doivent faire l'objet de modifications. Il s'agit notamment d'insérer explicitement dans le texte, telle qu'il sera réécrit par ordonnance, la possibilité d'utiliser les procédures de dérogation au principe du pays d'origine (PPO) prévues par la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique et par la directive « services de médias audiovisuels » du 14 novembre 2018. Les règles visant à protéger les consommateurs français pourront ainsi s'imposer à des influenceurs installés dans un autre État membre de l'Union européenne, quand cela sera nécessaire et de façon proportionnée. Enfin, je me félicite que la commission mixte paritaire ait opté pour une durée d'habilitation de neuf mois : elle constitue un délai raisonnable pour mener à bien les consultations juridiques obligatoires, notamment auprès de la Commission européenne et du Conseil d'État, qui demandent du temps.
L'article 35 du projet de loi dispose en outre que le Gouvernement s'engage à remettre au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation du texte, un rapport sur l'application de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, déposée par le président du groupe Horizons, Laurent Marcangeli. Ce rapport nous permettra de mieux prendre en compte les observations transmises par la Commission européenne dans le cadre de la procédure de notification préalable. La vérification de l'âge en ligne est un enjeu très important, comme nous venons de le souligner au cours de l'examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (Sren). Vous le savez, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) doit bientôt publier un référentiel, qui fera très prochainement l'objet d'une consultation publique.
Pour ce qui est de la matière économique et financière, le projet de loi prévoit aussi des adaptations du droit bancaire, monétaire et financier. L'Assemblée et le Sénat ont ainsi, par exemple, adopté un amendement du Gouvernement visant à sécuriser le mécanisme de garantie des dépôts. Les amendements aux articles 5 et 6 que je présenterai tout à l'heure permettront de garantir la conformité à l'article 38 de la Constitution des habilitations prévues par la CMP. La première, qui porte sur la directive dite Women on board, permettra de transposer le texte européen tout l'adaptant. Nous pourrons ainsi harmoniser les règles de représentation équilibrée entre femmes et hommes au sein des conseils d'administration ou de surveillance, en alignant celles qui s'appliquent aux établissements publics et celles prévues pour les sociétés commerciales. Bien évidemment, nous pourrons également les étendre aux groupements d'intérêt public (GIP). Lors de la transposition, il conviendra de désigner un ou plusieurs organismes chargés de s'assurer du respect de ces obligations.
La seconde habilitation permettra d'adapter notre droit au règlement européen sur les informations accompagnant les transferts de fonds et de certains cryptoactifs, dit règlement TFR, qui renforcera considérablement notre dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, d'abord en imposant de nouvelles obligations de vigilance sur les opérations en cryptoactifs, ensuite en élargissant aux transferts de cryptoactifs les obligations de transparence qui s'imposaient jusqu'alors aux transferts de fonds classiques. Ce texte constitue, avec le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs, dit règlement Mica, qui fera aussi l'objet d'une habilitation, l'un des deux piliers du cadre européen de régulation des activités des prestataires de services sur cryptoactifs. Pour mémoire, ces deux règlements ont été négociés simultanément et entreront tous deux en application le 30 décembre prochain.
En matière de transition écologique, le texte permettra de transposer enfin dans le droit français les définitions de l'hydrogène renouvelable et de l'hydrogène bas-carbone, éléments clés de notre politique de souveraineté énergétique.
S'agissant de la coopération judiciaire, je tenais à souligner l'importance du projet de loi pour soutenir les dispositions renforçant la lutte antiterroriste. Désormais, les services répressifs de tout État membre se verront garantir un accès équivalent aux informations disponibles dans d'autres États de l'Union. J'ajoute que le code de procédure pénale sera mis en conformité avec les dispositions européennes relatives au droit d'accès à un avocat et au mandat d'arrêt européen.
En matière de protection sociale, vous avez bien voulu adopter l'amendement présenté par le Gouvernement en vue d'assurer la conformité de notre droit social avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) en matière d'acquisition de droits à congés payés en cas d'arrêt de travail. Cet amendement, dont je rappelle qu'il a fait l'objet d'un avis du Conseil d'État, constitue une réelle avancée pour les salariés, contrairement à ce que nous avons entendu dire sur certains bancs lors de nos premiers échanges sur le sujet. Grâce à l'article 32 bis ainsi créé, les salariés arrêtés en raison d'un accident ou d'une maladie d'origine non professionnelle pourront acquérir des congés payés au rythme de deux jours ouvrables par mois, soit quatre semaines par an.
En matière agricole, la gestion par les régions d'une partie des aides relevant du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour la période 2014-2022 sera facilitée. Le préfet pourra désormais déléguer sa signature aux autorités de gestion régionales pour ce qui concerne les décisions relatives aux aides versées au titre de la précédente programmation de la politique agricole commune (PAC), dont la gestion a été confiée aux régions et qui ont été cofinancées par l'État. Cette mesure de simplification et de réduction des circuits de prise de décision était très attendue sur le terrain.
L'article 34 vise quant à lui à garantir l'application du règlement européen relatif aux maladies animales transmissibles, en sécurisant le rôle des chambres d'agriculture dans la collecte et l'utilisation des données concernant l'identification des animaux et leurs mouvements. Un amendement de clarification déposé par le Gouvernement sera d'ailleurs présenté sur ce point.
Enfin, les crues récentes et exceptionnelles – par leur durée et leur intensité – que nous avons affrontées récemment et qui perdurent malheureusement dans certaines zones ont une nouvelle fois mis en évidence la nécessité, pour les collectivités, de disposer d'un cadre simplifié pour mener les actions de prévention prévues dans la directive européenne du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation. Des amendements ont été adoptés pour alléger et simplifier les procédures.
En conclusion, nous pouvons nous féliciter que les travaux menés de concert sur ce projet de loi nous permettent de disposer d'un droit national conforme aux évolutions législatives européennes récentes, au bénéfice de nos entreprises et de nos concitoyens.