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Intervention de Laurence Robert-Dehault

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Robert-Dehault :

Si la République est une et indivisible, elle reconnaît la spécificité des outre-mer. Les territoires ultramarins participent à la grandeur de la France et font de notre nation une puissance mondiale, contribuant au développement économique de notre pays, notamment grâce à la zone économique exclusive (ZEE) qu'ils lui offrent. Ils figurent pourtant parmi les territoires oubliés de la République. Or les maux affligeant la métropole y prennent une dimension dramatique. En ce qui concerne la Polynésie française, elle connaît un taux de chômage six fois plus élevé que la métropole, s'établissant à 44 % et n'est pas épargnée par la défaillance des services publics – en 2022, la chambre territoriale des comptes (CTC) signalait en particulier un service de l'eau de mauvaise qualité.

Dans l'attente de réformes ambitieuses pour améliorer durablement le quotidien de nos compatriotes ultramarins, nous sommes aujourd'hui saisis d'un projet de loi de ratification d'une ordonnance modifiant les règles de domanialité applicables en Polynésie française. Elle fait suite à une loi organique de 2019 mettant fin à une situation d'ambiguïté législative, source d'illisibilité et d'insécurité juridique, dans laquelle l'État se voyait dénier le droit de légiférer sur son domaine privé et sur le domaine des établissements publics nationaux situés en Polynésie. La compétence de l'État étant affirmée en cette matière, l'ordonnance que doit ratifier ce projet de loi vise à améliorer la cohérence et la lisibilité des règles de droit domanial applicables en Polynésie française, tout en prenant soin d'ajuster certaines procédures au cadre juridique et administratif polynésien – objectif louable.

Si nous n'avons pas de problème avec les modifications législatives proposées, nous sommes en profond désaccord avec la méthode et la procédure utilisées par le Gouvernement. En premier lieu, l'Assemblée de Polynésie française n'a pas été en mesure de rendre un avis sur le fond du texte : demandé en même temps que se déroulaient des élections territoriales, il a été réputé favorable sans que cette assemblée ait pu se prononcer. Surtout, nous dénonçons fermement le caractère excessif du recours aux ordonnances sous la présidence d'Emmanuel Macron, président ayant le plus recouru à cette méthode comme l'indiquait un rapport sénatorial de 2022 : au cours de son premier quinquennat, le chef de l'État a publié plus de 350 ordonnances, soixante-dix par an. Un tel recours pourrait se justifier par l'efficacité de la procédure. Hélas, le même rapport montre, à l'inverse, qu'il fallait en moyenne 250 jours pour adopter une loi au Parlement, contre 466 jours pour la publication d'une ordonnance. Pour résumer, les méthodes de gouvernement du Président – l'utilisation abusive du 49.3, des votes bloqués et des ordonnances – conduisent à dénier à notre assemblée son rôle fondamental : débattre et voter des lois.

Ne pouvant accorder son approbation alors que le Parlement est ainsi contourné, le Rassemblement national s'abstiendra.

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