Intervention de Sandrine Rousseau

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Rousseau :

L'élection présidentielle ne peut pas être la seule élection qui donne le la à tout un peuple. Le présidentialisme minoritaire que nous connaissons actuellement pousse aux limites la Ve République et la place qu'y occupe le Parlement. Un hyperprésident peut nommer des gouvernements sans jamais avoir à demander la confiance du Parlement et sans jamais chercher à travailler avec une majorité fondée sur la clarté d'une ligne politique. Un hyperprésident a aussi dans sa main la possibilité, par l'intermédiaire du Gouvernement, de poser sur le tapis de la démocratie des jokers que nous pensions en quantité limitée mais dont la réforme des retraites nous a fait découvrir qu'ils étaient presque illimités : il suffit que le sujet soit budgétaire – au fond, tout pourrait être budgétaire.

Il est devenu si facile, d'un coup de baguette magique, de dessaisir le Parlement de son rôle le plus fondamental : faire la loi, c'est-à-dire coconstruire, débattre, voter, évaluer. Dès lors, que reste-t-il aux parlementaires ? La voix, l'affrontement, l'obstruction, les motions de rejet et de censure utilisées à l'envi. Nous sommes ainsi devenus les personnages d'un théâtre bien triste, dans lequel la volonté d'un homme peut à chaque instant faire tirer le rideau et interrompre la pièce qui se joue, au mépris de ses acteurs et surtout des électeurs.

La démocratie est fragile, très fragile même. Il suffirait de presque rien, comme dit la chanson, pour qu'elle soit balayée comme un fétu de paille par le vent mauvais de l'autoritarisme. Alors, oui, il faut obliger les Premiers ministres nommés à constituer des majorités, à travailler des lignes politiques, à proposer des accords de gouvernement en lieu et place d'un seul rapport de force. Il faut restreindre le droit à ces jokers, les supprimer même. Chacun se verra alors contraint d'évoluer : l'opposition – nous –, devra négocier, proposer pour obtenir des bouts de ce pour quoi nous avons été élus ; le Gouvernement aura à rendre compte au Parlement. Il est déplorable qu'un lobby ayant l'écoute du Gouvernement ait plus de chances d'obtenir des avancées dans la loi qu'un ou une parlementaire de l'opposition. Telle est la limite de notre démocratie aujourd'hui.

À force d'usages et de mésusages, vous videz la démocratie de sa substance ; à force de rapports de force, vous faites monter la colère ; à force d'imposer ce qui doit être discuté, vous ouvrez grand les portes à un avenir démocratique incertain, dont nous avons entendu précédemment quelques signes avant-coureurs.

Le groupe Écologiste votera pour ce texte, car le 49.3 est la limite profonde de notre fonctionnement démocratique.

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