Intervention de Marie-Agnès Poussier-Winsback

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Agnès Poussier-Winsback :

La proposition de loi constitutionnelle prétend modifier substantiellement l'équilibre de nos institutions, en exigeant du Gouvernement qu'il sollicite un vote de confiance dans les meilleurs délais après sa nomination et en supprimant la possibilité d'engager sa responsabilité sur le vote d'un texte, comme prévu à l'alinéa 3 de l'article 49. Je ne partage ni l'analyse, ni la réponse apportée, cela ne vous étonnera pas ; mais je salue l'initiative du groupe Écologiste d'amener ce débat essentiel sur notre fonctionnement démocratique interne.

Sans surprise, nous sommes profondément attachés à l'esprit de la Constitution imaginée par le général de Gaulle, et nous ne voterons donc pas cette proposition de loi, pour plusieurs raisons.

D'abord, il nous semble que le vote de confiance doit demeurer une possibilité, et non une obligation, et cela conformément à la pratique constitutionnelle qui prédomine depuis 1962. L'esprit de la Ve République repose sur un équilibre subtil qu'il convient de conserver : le Gouvernement dispose de la plénitude de ses capacités dès sa nomination par le chef de l'État ; il n'a ni juridiquement, ni politiquement besoin d'une investiture parlementaire, car en cas de désaccord, l'Assemblée nationale dispose de la motion de censure. Au demeurant, si le Premier ministre était tenu d'engager sa responsabilité, la seule sanction possible à son abstention serait justement la censure ; or, le Parlement dispose déjà d'un tel pouvoir.

Il ne semble pas pertinent de supprimer l'alinéa 3 dans sa version issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Cet article est essentiel à la stabilité institutionnelle du pays. Peu utilisé dans les situations de majorité absolue, il est devenu indispensable dans les cas de majorité relative, tels que nous en vivons aujourd'hui. Depuis 2022, aucun budget n'aurait pu être adopté sans recourir à cet outil.

Il est souvent fait abstraction de l'équilibre de cet alinéa : si le Parlement est majoritairement opposé à l'adoption d'un texte, il peut censurer le Gouvernement. Or, depuis 2022, et malgré les nombreuses motions de censure qui ont été discutées, aucune majorité alternative n'a émergé. Je salue à ce titre l'enjeu que soulève l'amendement déposé par le groupe Démocrate : fondamentalement, la censure du Gouvernement n'a de sens que si elle ouvre la voie à un gouvernement alternatif. Or, aucun groupe dans cette Assemblée n'a davantage de majorité. L'absence de cet alinéa ne conduirait donc qu'à un blocage institutionnel, sans aucune solution alternative, permettant au pays d'avancer, aux fonctionnaires d'être payés, aux médicaments d'être remboursés – je pourrais continuer ainsi pendant un quart d'heure.

En outre, la révision constitutionnelle de 2008 a considérablement réduit la portée de cet alinéa, en limitant son utilisation à un texte, hors textes budgétaires. Ainsi, en dehors du cas dans lequel les finances du pays sont examinées, le Gouvernement ne peut en faire qu'un usage extrêmement limité. En somme, nous considérons que l'esprit de la Constitution de 1958 est celui d'une République stable et respectueuse des droits fondamentaux, ainsi que de l'équilibre des pouvoirs. Elle a permis de consolider nos institutions et de garantir le fonctionnement efficace de notre démocratie depuis plus de six décennies.

Le groupe Horizons et apparentés ne votera pas pour cette proposition de loi constitutionnelle.

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